L’élimination des ravageurs et des maladies est un défi mondial qu’il faut relever pour que la sécurité alimentaire et nutritionnelle devienne une réalité. Et le changement climatique ayant amplifié la dispersion et l’intensité des dégâts provoqués par les ravageurs, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que jusqu’à 40 % de la production agricole mondiale est aujourd’hui perdue chaque année à cause de ces parasites.
Tous les ans, les maladies des plantes coûtent plus de 220 milliards de dollars à l’économie mondiale, tandis que les insectes nuisibles coûtent au moins 70 milliards de dollars. L’impact de ce fléau est encore plus sensible dans les petits pays en développement instables comme le Malawi, dont l’économie est basée sur l’agriculture.
Alors que la communauté internationale se focalise sur la « modernisation des techniques de production », la gestion intégrée des ravageurs et des maladies a prouvé qu’il n’est pas nécessairement judicieux de renoncer aux pratiques traditionnelles.
Or, si l’approche consistant à exploiter les progrès scientifiques et la technologie semble avoir laissé de côté les anciennes connaissances autochtones, un proverbe africain dit : « ne jetez pas votre eau simplement parce que vous avez entendu dire qu’il allait pleuvoir ».
Nous devons donc admettre que la combinaison des connaissances autochtones et scientifiques en matière de lutte contre les ravageurs pourrait nous aider à obtenir de meilleurs résultats que l’une ou l’autre de ces approches prise isolément.
Inondations et parasites
Ces vingt dernières années, le Malawi a souffert d’impacts fréquents et plus intenses du changement climatique, notamment des inondations, des précipitations irrégulières, des sécheresses, des cyclones et des glissements de terrain. Le pays a également subi un accroissement des infestations de parasites et des maladies des plantes.
Parmi les ravageurs les plus communs, on trouve la chenille légionnaire d’automne et les lépidoptères foreurs de tige sur les céréales, les taupins sur les racines et les tubercules, et les foreurs de gousse sur les légumineuses. En raison des infestations fréquentes, l’utilisation continue de pesticides chimiques et le coût de ces derniers ont suscité des inquiétudes en matière de santé, de sécurité, d’environnement et d’économie.
Pour combler le fossé entre méthodes modernes et traditionnelles, le Deuxième projet d’appui à l’approche sectorielle de l’agriculture (a), soutenu par la Banque mondiale, a préparé un plan de lutte intégrée contre les ravageurs. Il vise à guider la gestion des ravageurs et des maladies en combinant des méthodes biologiques et mécaniques pour contribuer à garantir de meilleurs résultats pour les cultures et les agriculteurs. L’objectif global du projet est d’améliorer la productivité des petits exploitants et leur accès au marché de certains produits de base.
Exploitation des systèmes existants
En s’appuyant sur les services de vulgarisation agricole existants au Malawi, le projet a soutenu la mise en place de 415 cliniques phytosanitaires dans toutes les zones de planification de la vulgarisation, où des phytopathologistes dédiés ont été les premiers points de contact pour les agriculteurs.
Ces spécialistes sont des fonctionnaires, formés à l’identification des parasites et des maladies et à leur traitement adéquat. Beaucoup de petits agriculteurs se félicitent que le projet ait créé des cliniques phytosanitaires au sein même de leurs villages, car ils n’ont rien à dépenser pour le transport et pour bénéficier des conseils sur la lutte contre les ravageurs.
Il est aussi intéressant de constater que les agriculteurs qui travaillent avec les phytopathologistes mobilisent des connaissances autochtones et traditionnelles pour venir en appui aux méthodes modernes de lutte contre les parasites et les maladies. Bien entendu, bon nombre de ces connaissances sont propres à chaque site, car les agriculteurs utilisent des moyens biologiques divers pour lutter contre les mêmes parasites dans des zones différentes.
Dans l’ensemble, la gestion intégrée des ravageurs et des maladies a été adoptée à 410 %, soit 61 788 agriculteurs par rapport à l’objectif de 15 000 personnes fixé dans le cadre du Deuxième projet.
Il est évident que ce fort taux d’adoption est principalement dû à l’augmentation subite du coût des intrants, tels que les pesticides et les engrais, mais au-delà du coût, le véritable moteur de l’adoption massive de la gestion intégrée des parasites et des maladies est d’ordre écologique.
Les agriculteurs utilisent la citronnelle, la soupe d’une espèce de poisson appelée Limnothrissa miodon, le frêne, le poivre et une variété d’arbustes appelée Vernonia amygdalina pour lutter contre les charançons, les vers et les pucerons sur les céréales et les légumineuses. Il s’agit là de ressources disponibles localement, pour lesquelles ils dépensent peu ou pas du tout, mais qui sont très efficaces.
Bien que les méthodes autochtones soient populaires, elles posent également certains problèmes : tout le monde ne connaît pas les bonnes quantités à utiliser, elles ne sont pas facilement accessibles parce qu’elles ne sont pas toujours correctement documentées, et il manque des données sur l’interaction des produits traditionnels avec d’autres éléments de l’écosystème, tels que la composition et la vie des sols.
Par conséquent, voici quelques suggestions pour contribuer au développement et à la promotion de la gestion intégrée des ravageurs et des maladies :
- documenter tous les noms de plantes, de produits et de processus utilisés dans les différentes régions du Malawi pour renforcer les connaissances sur les méthodes autochtones de lutte contre les ravageurs ;
- définir des politiques et des stratégies agricoles adaptées et coordonnées qui tiennent compte de la recherche-action menée à l’initiative des communautés pour contribuer à la mise en place de systèmes de lutte intégrée contre les ravageurs ;
- investir dans la recherche scientifique sur les méthodes autochtones afin d’accroître leur efficacité et leur sécurité environnementale, et de s’assurer qu’il s’agit d’approches durables qui améliorent la santé des sols sans compromettre la production agricole.
Je suis convaincue que la gestion intégrée des ravageurs et des maladies peut contribuer à la bonne santé de l’environnement, en améliorant la vie du sol et en protégeant les espèces non ciblées. Elle limite aussi la pollution chimique potentielle du sol, de l’air et de l’eau et renforce la santé des plantes, tout en favorisant de nouvelles solutions biologiques durables de lutte contre les ravageurs.
Il est donc essentiel que les méthodes scientifiques et autochtones de lutte contre les parasites et les maladies se soutiennent mutuellement afin d’améliorer la production alimentaire, la nutrition et la santé des habitants du Malawi.
La Banque Mondiale