La caravane éducative la Nuit des Idées, initiée par l’Ambassade de France via l’Institut Français de Libreville, a poursuivi mardi 6 juin, ses découvertes thématiques avec l’immersion du public à l’Institut gabonais d’appui au développement (Igad) situé au Pk8. Créé en janvier 1996, ce périmètre maraîcher produit l’équivalent de 107 tonnes de légumes frais par an pour un chiffre d’affaires de près de 76 millions de francs CFA. Cette production est vendue au niveau local.
L’Igad, cet acronyme ne rappelle certainement rien à certains, et pourtant, l’institut est un maillon essentiel dans la politique de développement de l’agriculture au Gabon. C’est en 1992, sous l’impulsion de feu président Omar Bongo Ondimba que l’Institut gabonais d’appui au développement est créé sous le statut d’une association à but non lucratif. Son objectif alors, approvisionner les marchés locaux en produits agricoles cultivés au niveau local. Spécialisé dans l’accompagnement technique des exploitants agricoles sur les techniques de maraîchage, de culture vivrière et d’élevage, et la mise à disposition des parcelles à ces derniers, le projet, dès sa création a reçu l’assentiment de Elf Gabon devenu après Total Gabon puis TotalEnegies aujourd’hui.
En 1996, le périmètre maraîcher du PK8 voit le jour. Situé dans la partie sud de Libreville, il est établi sur une superficie d’environ 2,6 hectares aménagés notamment pour le maraîchage. A ce jour, le périmètre compte 23 parcelles décomposées en 15 aménagements pour la production, 7 aménagements pour les zones d’extension et un aménagement pour l’expérimentation. Chacune de ces parcelles mesure plus de 800m². Elles sont destinées aux exploitants agricoles formés par les techniciens de l’Institut. Elles permettent à leur bénéficiaire de se faire jusqu’à 400.000 francs CFA de revenu le mois. « Ce périmètre à un impact direct sur le marché Banane, les exploitants et les techniciens que nous sommes », confie Jean Jacques Edzang Mba, Coordonnateur Technique à l’Igad parlant en l’absence du directeur général empêché.
L’Igad, 20 ans après…
Malgré quelques soubresauts d’ordre financier, l’Igad a su, au cours de son évolution, s’adapter et s’illustrer comme un partenaire technique sur lequel l’Etat pouvait compter pour répondre à ses impératifs de développement du secteur agricole. Mais il faut le reconnaître, si l’association tient bon jusqu’à aujourd’hui, en restant focus sur la matérialisation de ses objectifs, c’est en partie grâce au soutien des partenaires diversifiés dont TotalEnergies, partenaire historique, l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN), l’ancienne Office nationale de l’Emploi (ONE), l’Agence française de développement (AFD) et l’ONG française Agrisud international.
20 après sa création, l’Igad a su s’implanter au Gabon avec des représentations dans plusieurs provinces du pays. Dans la province de l’Estuaire où elle tient son siège, l’association compte trois représentations, dont le périmètre maraîcher du PK8, les périmètres agropastoraux d’Okolassi et de Bolokobué. « 20 ans après, situe Jean Jacques Edzang Mba, Coordonnateur Technique à l’Igad, nous sommes passés par les hauts et des bas. Mais à Igad, nous gardons le cap malgré les difficultés financières. On arrive à survivre en pérennisant la poursuite de nos activités. Il est vrai qu’après le Prodiag, nous avons été contraints de réduire la voilure de nos effectifs, mais jusqu’à présent nous tenons et sommes toujours déterminés à accompagner la politique de développement agricole du Gabon ».
Une variété de produits bio à la carte
L’amarante (folon), l’aubergine feuille, l’aubergine africaine, la baselle, le basilic, la carotte, le céleri, le chou de chine, le chou pommé, la ciboule, le gombo feuille, le gombo fruit, la laitue, la morelle, l’oseille, le piment et la tomate sont les 18 variétés de cultures produites par les exploitants agricoles du périmètre du Pk8. En 2022, selon les statistiques de l’association, plus de 107 tonnes de ces cultures ont été produites dans ce périmètre. Le rendement annuel de cette production est évalué à près de 76 millions de francs CFA. Ce rendement, quoique diversement appréciable d’une année à une autre, imprime cependant le potentiel de ce projet et sa capacité à impacter positivement les bénéficiaires. Président de l’association des maraîchers de Sibang, Nestor Engouang doit ses revenus mensuels au maraîchage qu’il pratique au périmètre du PK8. Titulaire d’une licence en hôtellerie et reconverti depuis 5 ans agriculteur faute d’avoir trouvé un emploi, ce dernier gagne près de 400.000 francs CFA par mois.
L’une des spécificités du périmètre maraîcher du PK8 est, selon ses responsables de l’Igad, de fournir aux marchés locaux des produits agricoles bio. Ce qui n’est pas toujours le cas des produits proposés par les producteurs ayant appris l’agriculture sur le tas. « Il y a des exploitants qui pratiquent l’agriculture en utilisant des pesticides parfois qui ne sont même pas homologués dans la législation gabonaise. Il y aussi d’autres qui s’improvisent agriculteurs sans pourtant connaître la façon d’utiliser les pesticides. Conséquences, si vous avez un produit qui a un délai de rémanence d’une semaine, ces derniers, au lieu d’attendre le délai de rémanence autorisé, ils vont pomper le pesticide quelques jours seulement avant de récolter la culture. Plusieurs exploitants le font ici à Libreville. Ce qui n’est pas le cas des exploitants de l’Igad », prévient le Coordonnateur technique invitant les populations à faire attention à ce qu’elles consomment.
Former les agri-preneurs pour le Gabon
A l’horizon 2025, le Gabon ambitionne de réduire de 50%, sa dépendance alimentaire vis-à-vis des produits importés. Par cet objectif, le pays veut réduire par la même occasion, la facture de ses importations agricoles qui s’élèvent chaque année à plus de 500 milliards de francs CFA. Ce qui passe toutefois par une réorganisation de la production locale et l’encouragement à la consommation locale. Or, pour consommer local il faut produire et pour produire, il faut avoir des personnes formées. Si le rôle de l’Igad dans la formation des exploitants agricoles capables d’accompagner cette politique du gouvernement n’est plus à démontrer, à l’expérience vécue au périmètre du PK8 lors de l’excursion initiée par la caravane la Nuit des Idées, l’association ne déroge pas à sa mission. Celle de former les exploitants agricoles capables d’accompagner cette politique. « Ici nous formons tout le monde » rappelle Jean Jacques Edzang Mba. Une façon de démontrer l’accessibilité de l’Igad à toutes les personnes intéressées par les métiers de l’agriculture.
Michaël Moukouangui Moukala