Alors qu’il compte officiellement 95 000 éléphants, une étude basée sur le traçage génétique de l’origine des grandes saisies internationales d’ivoire identifie le Gabon comme l’une des deux principales sources d’ivoire illégale en Afrique.
S’il est présenté comme un champion en matière de préservation de la faune et de la flore, le Gabon, par manque de moyens, à cependant du mal à mieux lutter contre le braconnage et le trafic de faune sauvage qui menace la survie des éléphants de forêt. Classé en 2021 comme espèce « en danger critique d’extinction » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la population d’éléphant compte aujourd’hui moins de 150 000 individus, alors que selon les scientifiques, leur population a pu compter, à son apogée, jusqu’à plusieurs millions d’individus.
Les causes de ce déclin sont entre autres, l’intensification du commerce de l’ivoire dès l’ère industrielle, combinée à une augmentation de la déforestation. En effet, fait remarquer des scientifiques de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) et du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), « la demande d’ivoire, loin de fléchir ces dernières années, a explosé en Asie et a entraîné une résurgence du braconnage d’éléphants en Afrique. Même les populations présentes dans les forêts du bassin du Congo, relativement préservées jusque-là, du fait de l’accès difficile de leur habitat, ont fini par être touchées au cours de la dernière décennie. »
Le Gabon, fort de ses 95 000 individus d’éléphants officiellement reconnus, n’est pas en marge des critiques liées au braconnage et au trafic de l’ivoire. Avec près de 48 000 individus de perte enregistrée entre 2011 et 2023, le pays est l’une des deux principales sources d’ivoire illégal en Afrique. Une position renforcée par le récent bilan de l’ONG Conservation Justice, active au Gabon dans la lutte contre le trafic de faune, l’exploitation forestière illégale et le renforcement des droits des communautés. Sur une période de plus de 13 ans et grâce à sa collaboration avec les autorités des Eaux et Forêts et judiciaires, l’ONG revendique par exemple une interpellation et condamnation de plus de 600 présumés trafiquants de faune. Une action qui démontre l’emprise du trafic sur le territoire national et les conséquences potentielles que cela peut avoir sur le maintien de la population d’éléphants.
Si l’étude sur le traçage génétique de l’origine des grandes saisies internationales d’ivoire est formelle sur le rôle du Gabon dans le trafic de l’ivoire, les scientifiques eux, mettent en avant que les massacres d’éléphants ont été largement sous-estimés, car il est difficile de recenser des carcasses dissimulées sous la canopée qui se décomposent rapidement. Pour les scientifiques, il est primordial de renforcer les politiques et actions de protection, d’étudier et recenser de manière rigoureuse les éléphants de forêt, pour générer des données plus fiables sur les tendances démographiques de l’espèce et bien plus. Ce, d’autant selon eux, que « la survie des éléphants de forêt au Gabon, espèce clé pour l’équilibre des écosystèmes forestiers et de leur rôle de régulateur du carbone, demeure fragile. »
Michael Moukouangui Moukala