Abandonnés par leurs propriétaires depuis des années pour causes économiques et de litiges, de nombreux bateaux vivent leurs derniers instants dans le canal du Pont-Nomba, dans la commune voisine d’Owendo.
Petites embarcations, plates, pirogues, etc., ces bateaux ayant servi autrefois à des promoteurs gabonais dont l’Etat lui-même, des libanais, camerounais, français, italien, brésilien, sénégalais et autres se retrouvent aujourd’hui abandonnés dans le canal du Pont-Nomba, dans la commune d’Owendo. Si pour certains, les conflits d’intérêts seraient la cause de cet abandon, pour d’autres, c’est le départ du Gabon des propriétaires, après avoir constaté le repli de leurs activités économiques qui en est la cause.
Sur le canal, loin des regards et de l’oubli, certains de ces bateaux totalisent près de 30 années d’inactivité. D’autres, depuis leur dernière mobilisation, totalisent entre cinq et dix ans. Selon les informations mises à la disposition de la rédaction de La Lettre Verte, certains de ces bateaux pourraient encore servir et nécessitent simplement une révision. « Celui-ci appartient à un italien. Il l’a amené ici pour refaire le moteur», confirme une source sur la base des informations fournies à La Lettre Verte par l’ONG Plurmea.
Dans ce désordre expressément occasionné s’y trouve des bateaux appartenant ou ayant appartenu à des barons gabonais. C’est le cas d’une navette ayant servi entre Libreville et Port-Gentil jadis, propriété de Me Louis Gaston Mayila, ou encore d’un bateau autrefois propriété de la famille Chambrier « Père », vendu à un brésilien qui lui, l’aurait à son tour abandonné au Pont-Nomba. « La plate que vous apercevez appartient à un homme d’affaires français. Elle ne fonctionne plus depuis plus de 20 ans. La petite plate à côté est également à lui. Par contre, le bateau que vous voyez là-bas appartenait à Monsieur Chambrier Père. Il l’avait vendu à un brésilien appelé Monsieur Marco », détail la même source.
Suivant le Code de la marine marchande daté de janvier 1963 et le Code de l’Environnement de juillet 2014, certains de ces bateaux qu’on peut considérer comme des épaves sont à la fois sources de pollution et de nuisance et doivent être classés comme étant des déchets marins, puisqu’étant hors d’usage depuis des dizaines d’années. En effet, selon le Code de la marine marchande, « sous réserves des conventions internationales en vigueur, constituent des épaves maritimes soumises à l’application de la présente : les bâtiments de mer et aéronefs abandonnés en état d’innavigabilité et leurs cargaisons » (article 56). Partiellement submergés d’eau, certains de ces bateaux sont dans un état de dégradation très avancé et nuisent à l’accostage. Ce qui constitue en soi un problème.
Si les responsabilités sont partagées, il faut noter que débarrasser le canal du Pont-Nomba de ces bateaux encombrant peut ne pas être une chose facile à réaliser, étant donné que plusieurs paramètres peuvent rentrer en compte dans la gestion de ce problème. « Certes, il est vrai que cela fait plus de trente ans que certaines de ces épaves sont là. Mais cela forme ce qu’on appelle un autre écosystème. Pour en être sûr, il faut effectuer des analyses pour confirmer si des poissons ou d’autres espèces aquatiques n’y ont pas élu domicile. Sinon, ce serait détruire un nouvel écosystème », estime un ingénieur contacté au ministère des Eaux et Forêts.
A la description faite par notre source, il apparaît que nombre de ces épaves vivent leur dernier jour sur le rivage des eaux du Pont-Nomba. « Celui-ci, c’est pour un ancien collègue Camerounais qui s’est lancé dans les affaires. Cela fait aujourd’hui dix ans qu’il a abandonné ce bateau. Il le vend à la ferraille et m’a demandé de chercher un client. Il cherche à s’en débarrasser », souligne-t-elle. Pour achever le processus de vie de certains de ces bateaux, la solution serait peut-être de les vendre à la ferraille comme ce Camerounais, là où pour d’autres, il suffirait simplement de les rénover pour les mettre aux enchères par la suite. Cette solution relève simplement du principe d’assainissement de ce canal, alors que d’autres bateaux pourraient subir le même sort d’ici quelques années et accentuer sa pollution.
Michaël Moukouangui Moukala