Corruption, coupe illégale de bois, exploitation illégale des essences protégées, exploitation hors permis, pillage et braconnage à grande échelle des espèces protégées, au Gabon, les exploitants asiatiques, chinois en l’occurrence, sont au cœur d’une exploitation abusive des ressources forestières locales.
Après les européens, c’est au tour des asiatiques d’être les maîtres de l’exploitation forestière au Gabon. La décision prise en 2010 par les autorités gabonaises d’interdire l’exportation des grumes sans premières transformations a totalement reconfiguré ce secteur. Depuis, ce sont les asiatiques (chinois en l’occurrence) qui font la pluie et le beau temps dans ce secteur si cher au Gabon mais assez stratégique pour son économie.
Cette présence marquée des asiatiques dans le secteur forestier met cependant en lumière de nombreuses dérives dues à l’action néfaste de ces exploitants dans ce segment. En effet, alors que le Gabon tente de s’engager dans une politique volontariste de gestion de son patrimoine naturel, par l’imposition d’une exploitation rationnelle et responsable de ses ressources forestières, force est de constater des graves violations des normes forestières de la part des exploitants asiatiques. Entre corruption active, partenariat douteux, coupe illégale de bois, exploitation illégale des essences protégées, exploitation hors permis, pillage à outrance et braconnage à grande échelle des espèces protégées, les exploitants asiatiques, chinois en l’occurrence, sont au cœur d’une « mafia » forestière bien établie et huilée au Gabon.
Depuis plusieurs années, l’ONG environnementale Brainforest tente de mettre en lumière ce trafic grâce aux moyens dont elle dispose. « Plusieurs opérateurs forestiers y exercent leurs activités depuis des décennies avec plus ou moins d’engagement dans le respect de la loi forestière. Mais depuis l’arrivée des opérateurs chinois dans ce secteur, c’est le règne de la mafia encouragée par la haute administration de ce département », faisait constater Brainforest à l’issue d’une enquête réalisée en 2017. Le ministère des Eaux et Forêts actuellement géré par le Professeur Lee White n’est pas à l’abri des critiques, puisque ces violations s’effectuent souvent en complicité avec des hauts fonctionnaires de ce département ministériel.
Ce trafic qui compromet la politique de l’Etat en faveur d’une protection durable de ses ressources forestières constitue malheureusement un manque à gagner pour ce dernier. En 2017, dans la province de l’Ogooué-Ivindo par exemple, une enquête réalisée par la CAF (Contrôle aménagement forestier) programme soutenu par l’Agence française de développement (AFD) et relayée par Brainforest a permis de faire constater que « les sociétés forestières volent à l’Etat ». En plus donc du pillage à grande échelle, ces entreprises dissimulent des milliards de francs CFA de rendement générés par la coupe illégale de certaines essences classées précieuses.
L’ampleur du phénomène est grave et nous sommes limités, malgré notre bonne volonté à faire toute la lumière sur ce trafic, notamment en termes de pertes financières pour le Gabon. Le problème est que ce trafic compromet les politiques de réaménagement forestier dont l’objectif ultime est de garantir le renouvellement des ressources, de garantir à l’entreprise une durée d’exploitation durable (20 à 30 ans), et donc d’avoir des volumes suffisants dans le temps. Malgré la bonne volonté des autorités à lutter contre cette « mafia », le constat est sans appel. « Les forestiers sont en train de tout raser. Ils coupent les sous diamètres, ils coupent hors permis, ils prennent des bois qui leur sont interdits… »
Séraphin Lame