Musulman sunnite, chef religieux, fondateur de Touba et importante figure du soufisme au Sénégal et en Afrique noir, Cheick Amadou Bamba dont la trace est imprimée au Gabon à travers son passage forcé à Mayumba et à Lambaréné, est assez oublié du Gabon et de l’Ambassade du Sénégal en dépit de sa captivante histoire.
Forcé en septembre 1895 par l’autorité coloniale de rallier le Gabon au regard à son influence religieuse, Cheikh Ahmadou Bamba va passer sept années dans ce pays d’Afrique Centrale, dont cinq ans à Mayumba et deux ans à Lambaréné. Des villes respectivement situées dans les provinces de la Nyanga et du Moyen-Ogooué. À Mayumba, retrace l’histoire, il est pratiquement livré à la nature dans des endroits inhabités, sans abri, ni nourriture, à la merci des bêtes sauvages, des intempéries des saisons de la région. L’objectif visé par l’autorité coloniale était sa suppression pure et simple. Ce dessin n’aboutira malheureusement pas.
En novembre 1902, après sept ans passés au Gabon, Cheikh Ahmadou Bamba embarque pour le Sénégal. Après deux semaines de route maritime, il rejoint Dakar où il fut accueilli par ses disciples et acclamé par la foule, alors que beaucoup le pensaient mort suite à son exil au Gabon.
Depuis les dernières traces de cet illustre personnage religieux au Gabon, plus de 100 ans se sont écoulés. De sa philosophie de vie et de penser, Cheikh Ahmadou Bamba incarnait l’illumination à l’africaine. Son parcours du Sénégal au Gabon et vice versa, quoiqu’isolé de la connaissance populaire par le système éducatif est un gage d’inspiration qui mérite tout aussi une reconnaissance internationale à travers la construction d’un pont par le Sénégal et le Gabon.
Plus qu’un simple chef religieux forcé de s’exiler dans un pays inconnu, le Gabon, l’histoire de Cheikh Ahmadou Bamba fait fusion avec celle des grands héros que le Gabon ait connu. A l’exemple de Mbombet, Nyonda Makita ou encore de Mavurulu, même si leur engagement et leurs époques diffèrent. Ils font en effet partie intégrante du patrimoine immatériel du Gabon mais dont la trace et l’histoire demeurent muettes, en dépit de leurs exploits et de leur valeur touristique.
A Mayumba, première ville où Cheikh Ahmadou Bamba a été isolé, si quelques sénégalais s’y aventurent à la recherche des traces du fondateur de Touba en guise de pèlerinage, aucune structuration n’a été faite en la mémoire de cet homme. Ce qui est valable pour Mayumba, l’est aussi pour Ndjolé où à ce jour, les traces du sénégalais demeurent tout aussi muettes et loin des curiosités.
Remuant l’histoire et voulant lui donner une sorte de valeur symbolique, le ministère du Tourisme et de l’Artisanat du Gabon et la représentante du Khalife Général des Mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacke se sont, en début de mois, rencontrés à l’ambassade du Gabon au Sénégal. L’objectif principal de cette rencontre était entre autres, de renforcer les liens culturels et religieux entre les deux pays. Le choix de Mayumba pour le pèlerinage en l’honneur de Cheikh Ahmadou Bamba a été au centre des discussions, mettant en lumière son importance historique et spirituelle.
Le renforcement de la coopération bilatérale, le développement du tourisme religieux et les aspects logistiques du pèlerinage, tels que le transport, l’hébergement et la sécurité des pèlerins sénégalais ont été évoqués par les deux parties. En en point douter, cette discussion est une étape importante dans la valorisation patrimoniale de cette illustre figure Mouride. Elle marque en effet le début d’une prise de conscience aux fins d’honorer le parcours de cet homme qui inspire plus d’un en Afrique. Mais ce point d’adhésion ne suffit pas. Cheikh Ahmadou Bamba, comme c’est le cas de nombreux héros qui ont fait et marqué l’histoire du Gabon mérite une reconnaissance intemporelle, incarnée par la construction des statues, stèles, lieux de culte et musées en leur mémoire.
Michael Moukouangui Moukala