Mosaïque de forêts, de savanes, de marécages, de rivières et de forêts inondées, le bassin du Congo déborde de vie. Depuis plus de 50 000 ans, cette portion de la planète fournit nourriture, eau et abri à plus de 75 millions de personnes. Près de 150 groupes ethniques distincts (communautés locales et peuples autochtones) y vivent. On y trouve environ 10 000 espèces de plantes tropicales, dont 30 % sont uniques à la région. Les espèces menacées, comme les éléphants de forêt, les chimpanzés, les bonobos et les gorilles de plaine et montagne peuplent ces forêts luxuriantes. Au total plus de 400 espèces de mammifères, 1 000 espèces d’oiseaux et 700 espèces de poissons ont trouvé refuge dans la zone. C’est le deuxième poumon écologique du monde après l’Amazonie.
Du 5 – 8 Juillet 2022, Libreville a vibré au rythme de la 19è réunion des partenaires des Forêts du Bassin du Congo (PFBC). Ces assises présidées conjointement par le Dr Christian Ruck, Ambassadeur de bonne volonté, Facilitateur du PFBC de la République Fédérale d’Allemagne et Jules Doret Ndongo, ministre des Forêts et de la Faune du Cameroun, Président en exercice de la COMIFAC, avec à leurs côtés le Prof. Lee White, ministre des Eaux et Forêts du Gabon, étaient l’occasion, non seulement de faire un bilan d’étape de ce partenariat mais aussi de faire une analyse prospective des enjeux et stratégies d’un combat inclusif contre la déperdition des forêts du Bassin du Congo. En majorité intactes, mais mise sous pression par une population croissante et les intérêts commerciaux liés à l’exploitation forestière en même temps qu’elles fournissent des services écosystémiques précieux pour l’humanité.
Dans cette ambiance de présentations scientifiques, d’échanges d’expérience, de compte rendu de projets de recherche dans des domaines aussi divers que variés, les nombreux délégués venus d’Afrique et d’ailleurs (Représentants étatiques, bailleurs de fonds, chercheurs, ONG, journalistes et représentants des communautés locales) ont, durant quatre (4) jours, échangé sans tabou sur les approches visant à minimiser les effets du changement climatique par la préservation des forêts du Bassin du Congo.
Pour le cas du Gabon, bien que leader en matière de conservation, le Prof. Lee White s’est félicité de la dynamique internationale autour de la question des forêts du Bassin du Congo, non sans réaffirmer la vision politique du Président gabonais.
Fort d’un couvert forestier national estimé à plus de 85% du territoire national, le Gabon peut se targuer de jouer un rôle central sur cette question en Afrique, même si pour certains observateurs, des efforts sont encore à fournir en matière des droits fonciers et forestiers des peuples autochtones et communautés locales. Le témoignage de Serge Ekazama Koto, agissant au nom de la communauté villageoise de Massaha, au Nord-est du Gabon, atteste bien de quelques pesanteurs économiques (exploitation forestière illégale) au détriment des droits des communautés locales. « La communauté de Massaha est très inquiète avec l’exploitation de notre forêt sacrée qui a repris il y a quelques jours, alors que le ministre des Eaux et forêts avait, lors de sa visite à Massaha, fait stopper les activités des forestiers. Au moment où nous attendons que les autorités déclarent cette forêt comme aire protégée communautaire suite à une demande que nous avons faite en Aout 2020 », a confié le délégué de Massaha.
Il faut dire que ce message de Massaha n’est pas propre à la seule situation des communautés locales au Gabon. Il serait similaire à ce qui se vit dans les pays de la sous-région, d’où l’appel du Coordonnateur régional du REPALEAC à un changement de paradigme dans le cadre de la répartition de la manne financière de Glasgow. Les 22 donateurs engagés sont invité à peser de leurs poids, afin que les 1.7 milliards de dollars promis tiennent compte de l’engagement et du rôle des populations locales et des peuples autochtones dans les efforts de gestion durable des forêts du Bassin du Congo. Le Coordonnateur Régional a également insisté sur l’importance du caractère transparent et inclusif du mécanisme d’octroi de ces fonds.
Les retrouvailles de Libreville étaient l’occasion pour le REPALEAC de présenter les grandes lignes de son programme d’action en faveur des droits fonciers et forestiers des peuples autochtones et communautés locales d’Afrique centrale en cours d’élaboration avec l’appui technique du Projet Régional GIZ d’appui à la COMIFAC. Au Gabon cette approche devrait être très rapidement intégrée dans la législation nationale et le nouveau cadre de gouvernance actuellement en cours de préparation.
Benjamin Evine-Binet