« L’eau pour la paix » est le thème retenu à l’occasion de la célébration 2024 de la Journée mondiale de l’eau. Cette thématique rappelle combien cette ressource peut être source d’harmonie ou de conflit dans les pays à travers le monde. Au Gabon, les difficultés d’accès à l’eau ne favorisent pas l’équilibre de relation entre la population et le gouvernement. Ce qui suscite de prendre des mesures qui rétablissent cette connexion.
L’eau est à la fois une ressource précieuse et une source de bien-être de par le monde. Selon les Nations Unies, lorsque cette ressource est rare ou polluée, ou que certains n’en ont pas accès, cela peut susciter des tensions. A travers le monde, l’aggravation des effets des changements climatiques et la croissance démographique ne favorisent pas la distribution, la protection et la conservation de cette ressource.
Si la problématique de la crise d’accès à l’eau potable touche plusieurs pays à travers la planète, la recrudescence du problème au Gabon soulève des questions. Et pour cause, avec une population d’à peine 2,2 millions d’habitant selon le chiffre de la Banque mondiale, un pays garnit en biodiversité et une pluviométrie toute aussi enviante évaluée à 1.600 à 1.800 mm d’eau à Libreville, couplée à un taux d’humidité supérieur à 80%, le Gabon est assez garni pour répondre à certains besoins sociaux tels que l’accès à l’eau potable.
Le Grand-Libreville, la capitale du pays accueille environ 800.000 habitants des 2.2 millions de personnes que compte le pays. Ces populations sont concentrées dans les villes de Ntoum, Libreville, Owendo, Akanda et la Pointe-Denis, le quintile qui forme la nouvelle appellation de « Grand-Libreville ». Un gabonais sur quatre vit pour ainsi constater à Libreville. Ce qui représente une densité de 3724 hab/Km2. Un phénomène qui s’est aggravé ces dernières années avec l’exode rural et le manque d’une politique dynamique d’aménagement du territoire.
En dépit de ces facteurs, le développement d’une politique d’urbanisation n’a pas été corollaire. De plus, le manque d’investissements de la part de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG) pour supporter la nouvelle demande, les difficultés des nouvelles populations à souscrire à un abonnement pour l’adduction en eau et les problèmes inhérents à l’incapacité du plateau technique existant à supporter la demande, sont autant des griefs qui mettent en lumière, les difficultés qui se dresse aux dirigeants pour répondre favorablement à la demande d’accès à l’eau. Ce qui n’est pas sans conséquence dans la relation qui lie le Gouvernement à la population.
Officiellement, 55% des personnes vivant à Libreville n’ont pas aujourd’hui accès à l’eau potable. Pour juguler ce problème, l’Etat a lancé en 2022, une solution palliative et temporaire consistant en la construction de 100 forages d’eau pour améliorer l’offre. Mais globalement, il visait à terme « à renforcer l’offre de la desserte en eau potable sur l’ensemble du pays ». Ce projet n’a pas réellement tenu ses promesses, puisqu’un an après, en 2023, nombre de quartiers du Grand-Libreville souffrent toujours de la carence d’eau et les populations doivent toujours aussi user des méthodes précaires pour se procurer le précieux liquide. Dans les quartiers, notamment populaires, impossible en effet de circuler sans tomber sur des enfants, des femmes parfois enceintes ou des jeunes garçons aguichant un coin du quartier à la recherche du précieux liquide. Dans la ville, il s’est même développé une empathie pour les bidons recyclés des marques d’eau en bouteilles Akewa ou Origen.
Face à ce calvaire, les autorités comptent sur la matérialisation du Sous-programme Intégré pour l’Alimentation en Eau potable et Assainissement de Libreville (PIAEPAL) pour définitivement conjuguer au passé ce problème qui ne cesse de mettre mal à l’aise les populations de Libreville. A l’horizon 2025, ce programme ambitionne de garantir un accès universel durable à l’eau potable et à l’assainissement dans un cadre de vie sain et amélioré, sur l’ensemble du territoire national. Financé par la Banque africaine de développement (BAD), le PIAEPAL vise en effet à renforcer et à améliorer les services d’eau potable et d’assainissement du Grand-Libreville.
Au total, ce sont 920.000 habitants de l’agglomération et les milieux naturels qui bénéficieront des avantages socio-économiques et environnementaux positifs considérables et tangibles dans le cadre du programme. Grâce aux travaux d’extension des réseaux, il est attendu que 300.000 personnes additionnelles aient accès à l’eau potable, soit 31% de la population de Libreville. Avec le projet, le taux d’accès à l’eau potable passera, selon le souhait, de 55 % à 90% pour la population urbaine de Libreville. Outre les habitants de Libreville, le projet bénéficiera aussi aux industries locales et d’autres structures de production et de services comme les administrations impliquées dont le ministère chargé de l’Eau et de l’Energie, les travaux publics, les casernes, la société d’exploitation, les écoles et les hôpitaux.
Problème, cela fait trois ans que les belles ambitions de ce programme flattent les Gabonais, notamment ceux habitant Libreville et que ces promesses tardent à être réalisées. Par exemple, à quelques mois de la date butoir, le programme montre des signes de frémissements. Ce qui ne rassure personne. Même pas la présidence de la République, qui lors d’une sortie, le Général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema avait dû taper du poing sur la table pour faire accélérer les travaux et clore le chapitre de ce projet. A Libreville, les populations ont même un mauvais souvenir du Piepal avec des routes semble-t-il éventrées de part et d’autre de la capitale.
Sans un sursaut d’orgueil et d’humanité, le Gabon pourrait rater l’atteinte de l’ODD6 relatif à l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement d’ici 2030. S’il n’est pas encore trop tard, le pays doit consentir d’importants investissements dans le secteur au cours des six dernières années. Engagement sans quoi, les défis liés à l’accès à l’eau potable et la paix souhaitée à l’occasion de cette journée seront toujours aussi pressants au Gabon.
Michael Moukouangui Moukala