Libreville, Franceville, Mouila, Mimongo, Yeno, Port-Gentil et bien d’autres : le Gabon entier semble pris dans un remake tropical de Titanic. Mais ici, pas de paquebot de luxe ni d’iceberg – juste des caniveaux bouchés, des zones inondables colonisées par des maisons, et une gestion municipale qui oscille entre l’aveuglement et l’improvisation. Pendant ce temps, les sinistrés pataugent, leurs maisons transformées en radeaux de fortune.
Première touchée, Port-Gentil, surnommée la “capitale économique”, pourrait aujourd’hui être rebaptisée “capitale des marécages improvisés”. A chaque averse, ses rues se transforment en lagunes, ses écoles en piscines, et ses commerces en aquariums sinistrés. Le 25 novembre dernier, une pluie diluvienne a mis en lumière une vérité aussi éclatante que gênante : nos villes, déjà malmenées par les changements climatiques, sombrent sous le poids d’un aménagement urbain hasardeux. Conséquences : les inondations font leur loi à chaque tombée de pluie.
Ici, pas question de blâmer la pluie, car elle n’est jamais une invitée indésirable venue gâcher la fête. D’ailleurs, les faits sont pourtant parlants : la pluviométrie équatoriale, si généreuse soit-elle, ne peut expliquer à elle seule ces scènes apocalyptiques. Le véritable coupable se cache ailleurs, dans nos décisions, ou plutôt notre manque de décision.
Changements climatiques et chaos local
Le Gabon, à l’instar de nombreux pays équatoriaux, est en première ligne du réchauffement climatique. Selon l’Observatoire Copernicus, l’été 2024 a été le plus chaud jamais enregistré. Une nouvelle alarmante, certes, mais pas surprenante : les températures mondiales augmentent, les épisodes météorologiques extrêmes se multiplient, et les pays comme le Gabon, avec leur urbanisation anarchique et leurs fragiles infrastructures, paient le prix fort. Depuis plusieurs années, ces revers affectent les populations sans relâche.
Quand l’eau révèle les carences
Prenons un instant pour comparer. Les Pays-Bas, pays construit littéralement sous le niveau de la mer, ne sont pas sous l’eau. Pourquoi ? Parce qu’ils ont investi dans des digues, des canaux, et une planification urbaine rigoureuse. Pendant ce temps, à Mouila, chef-lieu de la province de la Ngounié, les constructions anarchiques rivalisent de précarité, défiant les lois de la résilience et du bon sens. Comment expliquer qu’un pays comme le nôtre, riche en ressources naturelles, soit incapable de gérer de simples pluies ? L’urbanisation galopante, couplée à l’absence de politiques d’assainissement adaptées, transforme chaque averse en catastrophe.
Les pluies diluviennes de Yeno et les inondations récentes de Port-Gentil ne sont pas des anomalies. Elles sont un symptôme. Une alerte rouge. Une invitation à repenser notre manière de construire, de planifier, et de gouverner. Sans cela, nous continuerons de nous noyer, non pas sous l’eau, mais sous le poids de notre propre négligence.
Une urgence, pas une option
Face à ce désastre annoncé, la solution est claire, bien que radicale : le Gabon doit intégrer les changements climatiques dans chaque aspect de sa politique publique. Des pays comme la France ont déjà fixé des échéances pour adapter leurs infrastructures aux nouvelles réalités climatiques. Ici, cette nécessité est encore aux antipodes des urgences. Pourtant, ce n’est pas une option. Sans action immédiate, notre avenir ressemblera à une série infinie de catastrophes.
Cela dit, il est temps d’abandonner nos demi-mesures et nos excuses. Le Gabon a besoin d’une Trajectoire de Réchauffement de Référence pour l’Adaptation au Changement Climatique (TRACC) comme en France. D’une vision claire, des actions concrètes et une mobilisation collective. Les infrastructures doivent par exemple être adaptées à un climat en mutation : écoles, hôpitaux, routes…
Les autorités locales doivent cesser d’attendre que le ciel se calme pour réagir. L’adaptation au changement climatique ne peut être reléguée en un simple chapitre dans les rapports gouvernementaux. Elle doit devenir le cœur de chaque politique publique.
Wilfried Nguema Mba