Malgré les clichés collés à l’iboga d’être un intermédiaire entre les pratiquants du rite traditionnel gabonais Bwiti et le monde « métaphysique », des études se démarquent de ce construit pour donner une dimension scientifique et écologique à cette mythique plante localisable au Gabon.
C’est dans la foulé de la collecte d’informations au Centre National de Recherche Scientifique et Technologique (CENAREST) que nous sommes tombés sur le Professeur Nestor Engone Obiang, écologiste végétale, qui consacre la plupart de son travail à l’étude de la « dynamique forestière ». Le professeur est aussi directeur général adjoint du CENAREST et c’est en toute aise qu’il a répondu favorablement à notre demande d’interview sur l’Iboga.
L’équipe de La Lettre Verte qui a effectué le déplacement pour comprendre la dynamique de recherches sur l’Iboga a frappé à la bonne porte. Mais pas question d’appréhender l’échange sur l’aspect mystico-spirituel de l’Iboga. Le professeur est formel : « on ne peut discuter que de l’aspect écologique de l’Iboga ». Le reste, aux bwitistes de s’en charger. Un fossé à peine visible s’installe, dès lors qu’il s’agit de comprendre les spécificités technico-spirituelles de cette plante à la fois vedette dans les cérémonies initiatiques au Gabon, mais appréciée avec beaucoup de recul par la communauté scientifique que ce soit au Gabon ou ailleurs.
D’entrée de jeu, avec notre interlocuteur, on cherche directement à comprendre ce qu’est l’Iboga ou tabernanthe de son appellation scientifique. Selon le Professeur, il s’agit d’une plante qui appartient à la famille des « apocynaceaes ». C’« est une plante endémique du Gabon, c’est-à-dire, une espèce qu’on ne retrouve que dans un territoire précis » délimite-t-il pour dissiper tout malentendu et recadrer le débat autour de l’origine de l’Iboga au Gabon. Mais avec les similitudes perceptibles dans les forêts du Bassin du Congo, « on peut aussi la retrouver au Congo et plus ou moins en occident, puisque la plante est désormais très cultivée dans les jardins de par le monde. Mais sa niche naturelle, ce sont les forêts du bassin du Congo notamment au Gabon », soutient le Professeur.
La paternité de l’Iboga est symboliquement attribuée au Gabon, au regard de l’engouement traditionnel des communautés autochtones à l’égard de cette plante. Mais ce n’est pas cet aspect qui nous intéresse aujourd’hui. Nous nous sommes rapprochés du Professeur pour comprendre l’Iboga dans sa profondeur écologique : son espace de croissance, son cycle de vie, sa contribution scientifique mais également son avenir au Gabon.
Si le premier point a déjà été abordé dans les lignes plus haut, il ressort pour argumenter sur le deuxième point que l’Iboga a encore en effet de beaux jours de vie au Gabon. Puisque selon le Professeur, « l’iboga est de plus en plus cultivé dans les jardins ». Cette particularité donne une dimension inépuisable à cette plante. Quant à son apport scientifique, la mobilisation de la communauté scientifique entre le Gabon, la France, les Etats-Unis et autres pays a montré qu’il était possible d’extraire le principe actif de l’iboga « (l’Ibogaïne) », « une molécule qui est utilisée aujourd’hui pour aider des personnes qui sont dépendantes de la drogue. On peut l’utiliser comme remède sur le plan pharmaceutique ».
Mais, malgré ces résultats nécessaires pour la connaissance de la plante, les scientifiques divergent plus ou moins sur la question de son apport scientifique. Ces avancées scientifiques sont toutefois révélatrices de belles promesses médicales. Car en science, la confirmation des résultats tels que ceux liés à l’Ibogaïne prennent du temps.
Pour finir avec le dernier aspect de la question, il semble que l’avenir de l’Iboga n’est pas menacé au Gabon comme pourraient le penser certains, malgré le fait que la plante soit constamment déracinée pour certains usages. Dans un premier temps, parce que des recherches ne cessent d’abonder dans le sens de l’étude de cette plante.
« Sur le plan national et international, il y a plusieurs organismes prêts à financer ce genre de recherche par le canal d’associations ou ONGs. Elle est très étudiée à cause de ses effets », souligne le Professeur. Dans un second temps, la connaissance du plus grand nombre sur cette plante offre peut-être une perspective de vie plus allongée à l’Iboga. Et, la culture gabonaise et la contribution scientifique viennent ajouter du crédit à une mobilisation dans ces deux sens.
Michaël Moukouangui Moukala