A Libreville et dans plusieurs grandes villes du pays, la recrudescence des inondations menace la santé et la stabilité des populations. Débordé par cette situation entretenue, le Gouvernement ne sait plus à quel sein se vouer. Son silence face à l’accumulation des sinistrés en dit long.
Le phénomène des inondations domine le quotidien des populations ces derniers temps au Gabon. Pour comprendre son origine, il faut redescendre 17 ans en arrière, en 2006, lorsque le projet « Santé et Environnement » lancé par le ministère de la Santé avec l’appui de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) alertait le Gouvernement sur la problématique de la « gestion des eaux pluvieuses », de « la gestion des eaux usées », de « la gestion des déchets solides » et le problème de « l’habitat et urbanisme ».
Ce projet précédait une enquête réalisée en 2005, un an en arrière et baptisée « Enquête Gabonaise pour l’Evaluation et le suivi de la Pauvreté (EGEP) ». Selon cette enquête, 43 % des maladies déclarées en milieu urbain concernaient le paludisme. Dans le même temps, la Banque mondiale révélait dans un rapport en 2011 que l’une des causes de ces maladies était l’eau polluée drainée par l’écoulement naturel des eaux dans le thalweg. La ville compte un linéaire d’environ 100 kilomètres de canaux dont certains n’ont pas connu des travaux d’aménagements et aucun n’est épargné par ce phénomène d’écoulement des eaux.
En tant que pays pluvieux, le Gabon ne peut être épargné. Situé dans une zone tropicale, il tombe dans le pays environ 3000 mm/an d’eau. Ceci étant, les inondations, à l’exemple de celles vécues depuis quelques semaines par les populations sont fréquentes, avec des impacts insoutenables dans des habitations situées dans des bas-fonds, le débordement des latrines et fosses septiques (phénomènes nocifs) et le débordement des canaux et caniveaux d’évacuation des eaux. Ce qui constitue un danger de santé publique.
« Le niveau d’accès à l’assainissement présente un important déficit. Les latrines ordinaires sont encore utilisées dans certains ménages et les fosses septiques dans les habitations disposant de l’eau courante. Le recours à la défécation en plein air se pratique encore. Des fosses septiques demeurent non fonctionnelles du fait de leur défaut d’étanchéité ou des difficultés de vidange. Quant aux latrines supposées à fosse sèche, elles ne le sont que rarement du fait de leur mauvaise construction et de leur localisation dans des zones basses souvent inondables. Cette situation contribue à amplifier l’insalubrité observée dans les quartiers sous-intégrés, mais surtout à augmenter les risques de propagation des germes pathogènes contenus dans les matières fécales », faisait constaté l’Agence française de presse dans une note.
A ces difficultés, s’ajoutent deux autres problèmes tout aussi majeurs : la gestion des déchets solides et le problème d’urbanisme. Entre problème de moyens et incivisme des populations, l’accumulation des déchets est la première cause d’obstruction de l’évacuation des eaux dans la capitale gabonaise et au-delà. Conséquence lors des chutes des pluies, les caniveaux et bassins versant d’évacuations des eaux sont obstruées par toute sorte d’objets : ferrailles, pneus usagés, déchets industriels, déchets ménagers, voire déchets médicaux. A côté de cela, la ville de Libreville est surpeuplée. Alors qu’elle héberge 1/3 de la population gabonaise, 80 % de cette population habite dans des quartiers populaires. Ces quartiers abritent à leur tour, des maisons de toutes sortes construites aussi bien dans des zones habitables que dans des marécages et avec des matériaux souvent peu conventionnels.
Cette configuration constitue un mauvais cocktail qui, lors des intempéries, précipite les inondations au point d’impacter négativement les populations. Dans les quartiers, au-delà du problème d’urbanisation dont souffre les villes gabonaises, ces inondations sont sans pitié et débouchent parfois sur des disparitions prématurées des personnes. L’inaction du Gouvernement par la recherche des solutions d’urgence et pérennes n’est pas de nature à lutter efficacement contre ce phénomène des inondations qui commence à faire partie du quotidien des ménages.
Pire, depuis que les causes de ce problème sont connues des dirigeants, ces derniers n’ont pas lancer des travaux d’envergure comme on en voit dans d’autres pays, pour prévenir ces inondations. L’état de détresse climatique dans lequel se trouve les populations gabonaises n’est en réalité que l’œuvre d’un immobilisme des dirigeants. Car, eu égard à la configuration de l’urbanisation de la ville de Libreville et à son poids démographique, en comparaison avec d’autres pays voisins, ce problème peut trouver solution.
Michaël Moukouangui Moukala