De la commune d’Akanda à celle de Libreville, sans oublier celle d’Owendo, le phénomène de la recrudescence des moustiques en cette saison sèche se fait de plus en plus ressentir. Les quartiers dit sous-intégrés sont les plus touchés. Pour Obame Ondo Pyazzy, Entomologiste et doctorant, ce phénomène serait dû à des facteurs d’ordre mutationnelle, climatique, humains et environnementaux.
Les plaintes face à la recrudescence des moustiques, alors que nous sommes en saison sèche, ne faiblissent pas à Libreville, la capitale gabonaise. Des quartiers appelés « PK », à Nzeng-Ayong, en passant par Bellevue, Rio ou encore les communes d’Owendo et d’Akanda, le phénomène semble grandir chaque jour un peu plus. « Depuis le début de la saison sèche, nous observons en effet, pour répondre à votre question, une importante population de moustiques contrairement à la saison des pluies. Ce phénomène n’était pas visible pendant les saisons sèches antérieures », souligne Juliarno Akue Essono un habitant du quartier GP dans le 6e arrondissement de la commune de Libreville.
Comme Juliarno Akue, ils sont nombreux à se plaindre de ce basculement soudain de la population des moustiques. En réalité, « les moustiques pondent et se reproduisent plus rapidement en saison de pluies. Par contre en saison sèche, vu qu’il n’y a quasiment pas de pluies, la reproduction des moustiques baisse énormément », fait constater l’Entomologiste et doctorant, Obame Ondo Pyazzy. Fait étonnant donc, c’est l’inverse qui s’est produit durant cette saison sèche. De nombreux quartiers sont actuellement envahis par une population de moustiques. Ce phénomène s’explique du point de vue de l’Entomologiste par plusieurs facteurs.
Parmi lesquels : « le cycle de reproduction du moustique du stade œuf au stade adulte est de sept jours. S’il ne pleut pas en abondance pendant cette période, la reproduction sera automatique », soutient l’Entomologiste. En effet, la pluie agit comme un évacuateur qui « emporte les larves qui finissent dans les rivières ou la mer et empêche une abondance de reproduction des moustiques ». Problème, les dérèglements climatiques visibles ces derniers temps ont beaucoup modifié les saisons. A la différence du passé, ces dernières années le climat a changé. Ce qui a favorisé la reproduction de ces insectes vecteurs du paludisme. « Si les précipitations sont modifiées, leur développement subira aussi des modifications », confirme l’Entomologiste.
La modification du climat n’est pas le seul facteur explicatif. L’insalubrité, qui s’est érigée en norme dans de nombreux quartiers de Libreville notamment, ajouter à l’incivisme des populations face à la gestion des déchets domestiques concourent également à faire évoluer ce phénomène. « Le facteur insalubrité est l’une des causes qui pourrait entraîner une présence de moustiques en saison sèche. Les moustiques ont un seuil de tolérance en ce qui concerne la pollution. Qu’il s’agisse de la pollution chimique, physique ou organique », ajoute le scientifique.
Mais, prévient-t-il, le facteur pollution, en fonction des polluants, peut toutefois et dans certains cas, être bénéfique pour limiter la reproduction des moustiques vecteurs du paludisme. « Si le gîte est trop pollué, il y a de fortes chances qu’on ne retrouve pas par exemple des vecteurs de paludisme dont les anophèles femelles, mais plutôt des maladies comme la dingue ou le shikungunya », explique-t-il.
A ces facteurs, il faut aussi ajouter les différents travaux de construction ou d’aménagement des routes qui se font un peu partout. En effet, en effectuant des travaux de construction des voies de part et d’autres, les entreprises de BTP affectées à la tâche procèdent le plus souvent à des modifications sensibles de certains espaces. Ces modifications « créent des gîtes larvaires par l’effet des empreintes laissées par les engins. Quand ces empreintes se remplissent d’eau après des pluies, ces gites deviennent des nouveaux foyers de reproduction des moustiques ».
Face à l’impact sanitaire que peut avoir ces insectes, la responsabilité des citoyens, y compris celle de l’Etat via les mairies d’arrondissements et l’application stricte de la stratégie physique, c’est-à-dire, l’enclenchement du processus d’hygiène et d’assainissement des caniveaux, des milieux aquatiques, le débroussaillage des environs des habitations sont nécessaires pour limiter la reproduction de ces moustiques. « S’il y a des pays qui ont pu trouver une solution, c’est que nous pouvons aussi le faire », conclut Obame Ondo Pyazzy.
Séraphin Lame