Au Gabon, à défaut de bénéficier des financements ou d’investissements de la part de l’Etat, les villages peuvent désormais souscrire à la formule des forêts communautaires pour se développer. Le concept, en développement depuis quelques années dans le pays, connaît quelques réussites. Le cas de la forêt communautaire de Mindzi, dans la province du Woleu-Ntem , est une success story qui fait école.
L’avenir du développement des villages gabonais pourrait reposer sur le modèle des forêts communautaires. Dans la province du Woleu-Ntem, c’est en quelque sorte l’enjeu qui se dessine à travers le modèle de réussite de la forêt communautaire de Mindzi, un village situé à une dizaine de kilomètres de la commune de Mitzic, dans la province du Woleu-Ntem. Le concept des forêts communautaires qui fait son apparition il y a moins de dix ans, séduit plus d’un village à travers le pays. Il a été pensé dans le but de lutter contre la disparition des villages et l’exode rural par le développement des activités génératrices des revenus par et pour les communautés locales.
Petit village de 150 âmes permanentes, Mindzi figure parmi les localités à avoir, ces dernières années, bénéficié d’une convention définitive d’établissement d’une forêt communautaire. C’était en 2017. Un an avant cette année, en décembre 2016, le village créait son association baptisée Communauté pour le Développement Rural (CDR). En octobre 2017, l’exploitation forestière débute sous le modèle de la forêt communautaire. Les premières retombées financières interviennent et amènent l’association à rêver grand. Elaboration d’une charte, éclairage du village, constructions sociales pour améliorer le quotidien des habitants du village, mise en place d’une épicerie, etc., l’association a alors des grands projets mais qui ne verront pas le jour dans l’immédiat, en raison des problèmes internes inhérents à la gestion.
Un modèle faillible au départ
Comme toute association, la mise en place de l’association CDR qui a permis la consolidation du projet de la forêt communautaire n’a pas été un long fleuve tranquille à Mindzi. En 2020, quelques années après le lancement de ses activités, l’association a dû braver son lot de difficultés. Entre autres, la personnalisation de la gestion de l’association et des retombées issues de la forêt communautaire, le manque de culture associatif, l’inégale accès à l’information autour des projets et entrés financières de l’association, les conflits d’intérêts et tout autre comportements susceptibles de nuire à la cohésion autour du projet, fragilisant quelques années durant le fonctionnement de la forêt communautaire de Mindzi. « Nous, forêt communautaire de Mindzi, avons traversé cette période de mésentente. Je ne suis pas la première présidente de cette forêt communautaire. Avant moi, il y avait deux présidents et la gestion était très critiquée. La communauté n’était informée de rien, alors que lorsqu’on parle de forêt communautaire, je peux me permettre de le dire, c’est une entreprise. Donc les choses doivent être en ordre », explique Ornella Armelle Ntsame Ntoutoume, présidente de la forêt communautaire de Mindzi.
En 2018, alors qu’elle est élue à la tête de l’association, elle est amenée à faire des choix radicaux en commençant par la restructuration de l’association et des relations qui s’y opèrent. Cette décision intervient au moment où l’association est suspendue de toute activité par le ministère des Eaux et Forêts. La consigne pour le rétablissement des activités de la forêt communautaire était que les parties s’entendent. En réponse, l’ensemble des membres ont été conviés à une assemblée générale au cours de laquelle les statuts ont été revisités. « Par exemple, au niveau du bureau, soutient la présidente, nous avons révisé les mandats du bureau. Il n’était plus question d’avoir des bureaux qui changeaient à tout moment. Pour ce faire, nous avons décidé du respect du mandat du bureau fixé à deux ans. » Autre innovation majeure, le respect des cotisations pour avoir droit à la parole durant les réunions, tout comme l’adhésion des membres à travers la signature d’une fiche d’adhésion. Ce travail, qui a duré un mois, a permis à l’association d’aplanir les différends entre ces membres et de surfer sur un nouveau modèle d’organisation.
Réalisations
Grâce à toute cette organisation, Mindzi est un village qui renaît aujourd’hui de ses cendres. En effet, avant la mise en place de la forêt communautaire Mindzi, notre village était un comme un campement, on comptait les cabanes. Le village était abandonné à lui-même et dans le noir. Aujourd’hui, la situation a complètement changé, les communautés vivent aisément dans des maisons carrelées et électrifiées. Elles bénéficient d’une prise en charge maladie. Ce qui n’existait pas par le passé », fait remarquer la présidente dont le rôle a été décisif dans la transformation de ce beau petit village. Construction d’un dispensaire, réfection de l’école du village, construction d’une case d’écoute pour les villageois, construction de 28 logements sociaux, dont 24 destinés aux familles et 4 pour les besoins des auxiliaires sociaux tels que l’infirmière, le Curée de la chapelle et les passagers, les investissements consentis par le bureau avec l’argent issu de la forêt communautaire ont permis de transformer le village. Situé sur l’axe Lalara-Mitzic, impossible d’emprunter cette route sans apprécier la beauté et la configuration de ce village qui vit aujourd’hui grâce aux retombées de la forêt communautaire.
Malgré les témoignages des habitants du village face au travail remarquable du bureau actuel, celui-ci ne compte pas s’arrêter là. En effet, en dépit des projets déjà réalisés, Ornella Armelle Ntsame Ntoutoume, présidente de la forêt communautaire de Mindzi et son équipe comptent développer d’autres projets pour rendre leur village complètement autonome. A ce titre, le bureau à en tête d’étendre les activités de l’association avec l’effectivité de d’autres projets. Parmi lesquels : la construction d’une scierie pour la transformation de bois, l’élevage de canards et moutons conformément aux textes réglementaires de l’association, la construction d’un préscolaire et l’apiculture. L’exploitation forestière n’étant pas définitive, le bureau veut diversifier ses activités pour mieux consolider son modèle de développement économique et social. D’où la volonté de penser à développer d’autres activités, à l’exemple du maraîcher déjà effectif.
Mindzi, une success story qui fait l’unanimité
Le modèle de développement de la forêt communautaire de Mindzi ne laisse personne indifférent. En quelques années, alors que les populations de ce village ont corrigé les erreurs du passé inhérents au fonctionnement du bureau, le modèle de Mindzi s’érige aujourd’hui comme une success story dans le processus d’implémentation des forêts communautaires au Gabon. Qu’il s’agisse des autorités publiques dont le ministère des Eaux et Forêts, des ONGs telles que Conservation Justice ou encore Brainforest qui accompagnent les projets de ce type ou des simples visiteurs et médias, tous ces acteurs reconnaissent à l’unanimité les efforts consentis par cette communauté alors que tout semblait être perdu d’avance. « Si tous les villages suivaient le modèle communautaire de Mindzi, je pense que cela serait un soulagement pour l’Etat et tout le monde ne serait plus intéressé à aller en ville », lâche un membre du bureau de l’association CDR de Mindzi.
Dans le village, l’exploit du bureau actuel ne manque pas de faire un écho positif. Qu’il s’agisse du Chef de Regroupement de Mindzi ou celui du Comité des sages, tous applaudissent le travail mené par ce bureau pour améliorer les conditions d’existence des populations. « Je suis très contente ! Très très contente ! Parce qu’avant, lorsque nous vivions ici, c’est comme si nous étions au campement. On vivait de pêche et de cueillette, mais depuis la mise en place de la forêt communautaire, nous vivons maintenant bien. L’effectivité de la convention définitive de notre forêt communautaire nous a permis de répondre à certains besoins sociaux. Hôpital, épicerie, école,… nous avons tous et vivons désormais à l’aise. Je dirais même plus à l’aise que ceux qui sont en ville », a souligné Ondo Florentine, le Chef de Regroupement de Mindzi. Le modèle de Mindzi montre qu’avec une bonne organisation, du sérieux et de la clairvoyance dans les idées, les forêts communautaires peuvent être un palliatif face au sous-développement dont souffrent certains villages au Gabon. Un cas d’école qu’il ne faut peut-être pas avoir honte d’imiter !
Michaël Moukouangui Moukala