Le Gabon envisage à l’horizon 2025 de certifier l’ensemble de ses concessions forestières. Si le label FSC a été choisi par le gouvernement pour conduire cette démarche volontaire mais nécessaire à la gestion durable des forêts de ce pays du Bassin du Congo, nombreuses sont les entreprises du secteur forestier qui pèsent le pied. Or, explique Edwige Eyang Effa, Membre FSC et attachée de recherche à l’Institut de recherche en écologie tropicale (IRET), « la certification permet aux entreprises de prospecter des nouveaux marchés ».
Le FSC a clôturé le 30 septembre dernier au ministère des Eaux et Forêts du Gabon, sa Semaine des Forêts 2022. A cette occasion, la conservation des forêts s’est invitée sans trop d’effort comme à la fois une nécessité et une urgence dans les activités qui ont marqué cette célébration. Au Gabon, si la question cristallise l’attention des plus hautes autorités, il faut noter que près de 15 millions d’hectares de forêts sont établies en concession forestière. De ce chiffre, seuls 2.2 millions d’hectares de forêts sont certifiées. C’est dire qu’environ 70 à 80% d’hectares de Forêts demeurent à ce jour non certifiés dans le pays.
Cela constitue un double défi pour le Gabon qui se positionne au niveau mondial comme un « bon élève » en matière de climat et qui, à l’horizon 2025, veut parvenir à faire certifier l’ensemble de ses concessions forestières. Pour se faire, le pays a signé en 2020, soit deux ans après l’annonce par le président de la République Ali Bongo Ondimba de la décision de se lancer dans ce processus durablement responsable, un partenariat avec le FSC, un organisme de certification international réputé pour sa rigueur dans le domaine. Au Gabon, le FSC a accompagné le pays dans l’élaboration et la mise en place de la norme spécifique FSC qui est entrée en vigueur en mars 2021. Désormais cette norme est le référentiel pays.
Si son processus suit son cours, plusieurs entreprises ont souscrit à cette démarche. La dernière en date remonte à quelques mois. Il s’agit de Gabon Advanced Wood (GAW) pour sa concession d’environ 180 000 hectares située dans les provinces du Haut Ogooué et de l’Ogooué Lolo qui a été certifiée FSC. « Depuis la déclaration du Chef de l’Etat et la mise en place de la norme nationale, nous avons plusieurs entreprises certifiées FSC. Cela avance petit à petit mais comme je vous l’ai dit, quand quelqu’un part de zéro, pour qu’il arrive à dix, il a plusieurs étapes à franchir », soutient Edwige Eyang Effa, Membre FSC et attachée de recherche à l’Institut de recherche en écologie tropicale (IRET).
Cependant, derrière ces succès, s’opposent des réticences d’une part de certaines entreprises privées du secteur forêt, éprouvées par les difficultés des contraintes qu’impose ce processus, des populations qui ne comprennent pas forcément son bien-fondé et d’autres part, des ONGs qui voit d’un mauvais œil le choix porté sur le FSC. Mais la Coordination sous-régionale FSC Bassin du Congo que dirige George Akwah Neba travaille à dissiper les incompréhensions autour des enjeux de la certification forestière FSC au niveau du Gabon. Pour George Akwah Neba, il ne s’agit rien d’autre que d’une procédure qui vise à gérer durablement les forêts tout en garantissant les droits de communautés dans les lieux d’exploitation.
Le FSC est donc, si l’on s’en tient à ce dernier, plus un bien qu’un mal, car il concourt à la « transparence » dans le secteur forestier. Cela est d’autant plus vrai, ajoute Edwige Eyang Effa, « que la norme FSC a dix principes. Parmi les dix principes, le principe numéro 1 axé sur les Lois confère aux entreprises un degré de transparence presque maximum. Il permet aux exploitants forestiers de respecter toutes les lois ratifiées dans le pays, les conventions internationales et toutes les autres réglementations qui régissent ce secteur. Partant de la loi sur l’environnement, à la loi sur le développement durable, la CNSS, le Code du travail et toutes les autres lois annexes qui permettent de gérer une activité forestière. »
Pour cette dernière, les entreprises qui s’opposent à cette démarche sont celles qui ont du mal à être transparentes, tant elles bafouent les lois en vigueur dans le pays tout en profitant gracieusement des forêts locales. Le cas du Gabon n’est pas différent de celui de nombreux pays tropicaux à travers la planète où s’opèrent les activités forestières. Et pourtant, garantit la chercheuse, « si vous commencez par respecter tout ce qui est dans le Code forestier en tant qu’exploitant forestier, vous avez fait 80% du travail ». Partant de cela, l’adhésion à la certification selon elle, sera plus facile pour les exploitants candidats.
L’un des bénéfices de la certification est qu’elle permet aux entreprises de pouvoir vendre dans des marchés compétitifs. « Vous avez des pays à travers le monde qui ne consomment que du bois certifié. Ce bois n’a pas le même prix que le bois qui a juste une mention de gestion légale. C’est un bois que l’on achète cher, parce qu’on sait ce qu’il coûte derrière », conclut Edwige Eyang Effa. Entre la contribution à la préservation de la biodiversité, à la lutte contre les changements climatiques, au bien des communautés des sites d’exploitations forestières à la plus-value économique, l’adhésion à une démarche de certification forestière paraît finalement plus bénéfique que les oppositions autour.
Michaël Moukouangui Moukala