Une semaine après la conclusion d’un accord d’échange Dette-Nature à hauteur de 500 millions de dollars entre le Gabon et The Nature Conservation, communément appelé Blue Bonds, les militaires ont pris le pouvoir. Cet assaut qui éveille des soupçons d’instabilité politique dans le pays soulève des interrogations quand l’usage et aux garanties ce deal vert.
Qualifié de Blue Bond et présentée comme la toute première transaction de « restructuration dette-nature » en Afrique subsaharienne, l’accord entre le Gabon et l’ONG The Nature Conservation vise entre autre, l’émission de Blue Bonds d’une valeur de 500 millions de dollars, soit 299,9 milliards de francs CFA pour refinancer une partie de la dette nationale gabonaise et protéger et gérer le milieu aquatique, ainsi que les ressources maritimes du pays. Selon le principe de l’accord, 163 millions de dollars, soit 97,7 milliards de francs CFA devraient être consacrés à la gestion du second actif.
Au Gabon, c’est en mi-août dernier que les parties sont parvenues à acter ce deal vert, laissant présager, selon Ali Bongo Ondimba, ancien président de la République, « le développement substantiel de mécanismes de financements verts ou bleus dans les années à venir en aidant des pays tels que le Gabon, qui protègent efficacement des écosystèmes essentiels à développer leurs économies durablement ».
Depuis cette date à aujourd’hui, deux mois se sont écoulés, inscrivant sur leur tableau un évènement politique majeur, le coup d’Etat, qui a amené certains analystes à remettre en cause l’usage des fonds collectés dans le cadre de ce deal écolo-financier et le respect des garanties qui s’y attachent. En effet, à tort ou à raison, sachant la complexité qui entoure ces mécanismes financiers, les Blue Bond sont accusés d’avoir favorisé la corruption, les troubles et dans le cas spécifique du Gabon, le manque de transparence.
En plus de créer des distorsions au sein de leur marché et de favoriser les idées occidentales politiquement populaires, la capacité du gouvernement de la Transition à faire aboutir cet engagement est sujet à caution, du fait de sa capacité à honorer l’accord climatique du gouvernement précédent et utiliser les fonds comme prévu.
De même émerge, la question du remboursement de cette dette si le pays fait défaut ou n’utilise pas l’argent à bon escient pour la conservation, alors que le contrat passé est intervenu dans un contexte de trouble politique. Les analystes comptent sur la structuration et la viabilité du marché pour garantir la responsabilité tant du Gabon que de ses partenaires dans le but de mieux sécuriser une transaction qui finalement répond au souci de la disponibilité des finances liées à l’adaptation dans les pays en développement ou émergents.
Après l’opération de Belize conclu presque dans les mêmes conditions que celui du Gabon et par la même ONG, le Gabon se présente comme un cas d’école dont le degré de résilience devrait ouvrir ou fermer la voie à d’autres expériences de ce genre dans d’autres pays. Cela dit, le pays a tout intérêt à faire aboutir ce processus pour son bien et celui des autres émetteurs potentiels.
Michaël Moukouangui Moukala