Au Gabon, l’évolution précoce de la vie sur terre trouve une nouvelle datation avec la découverte, il y’a jour pour jour, des plus vieux fossiles de protistes connus au monde. D’après une équipe internationale coordonnée par Abderrazak El Albani de l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (IC2MP-Université de Poitiers/CNRS), ces eucaryotes auraient évolué en mer il y a 2,1 milliards d’années.
Publiée d’avril 2023 dans la revue Earth Planetary Sciences Letter, cette découverte scientifique met en évidence l’importance de Moulende, un site de recherche situé dans le Francevillien, est une formation géologique situé dans la région de Franceville, dans la province du Haut-Ogooué. Jusqu’à cette découverte, les plus vieux fossiles d’organismes pluricellulaires étaient datés d’environ 1 milliards d’années. La découverte d’Abderrazak El Albani repousse cette limite de 1,5 milliard d’années.
« Les avantages décisifs des formes de vie présumées du Gabon par rapport à celles du Protérozoïque supérieur et du Cambrien, comme les schistes de Burgess, c’est leur degré de diagenèse très faible, leur énorme enrichissement en carbone organique (jusqu’à 10 %) et en bitume, et leur dépôt dans un environnement pauvre en oxygène et riche en argile qui offre un potentiel de conservation plus élevé », faisait d’Abderrazak El Albani et ses collègues.
Pour rappel, les organismes pluricellulaires sont constitués de plusieurs cellules distinctes (chacune ayant un noyau contenant un ADN) qui travaillent ensemble pour accomplir des fonctions spécifiques. D’après les scientifiques, ces cellules sont organisées en tissus, en organes et en systèmes, ce qui permet à ces organismes de réaliser des tâches plus complexes que les organismes unicellulaires, beaucoup plus simples (même si certains sont capables de « changer d’avis ». Leur apparition fut un événement clé dans l’évolution de la vie sur Terre.
Plus récemment, la même équipe a fait une autre découverte passionnante dans la même région : des protistes (des organismes unicellulaires). Ces organismes, datés de la même époque, évoluaient cette fois dans la colonne d’eau, comme le plancton actuel. Les plus gros spécimens, qui ressemblaient à des soucoupes volantes, mesuraient jusqu’à 4,5 cm de diamètre.
Les chercheurs expliquent avoir pu établir de façon très précise leur métabolisme grâce au zinc, un micronutriment bio-essentiel indispensable à la synthèse des protéines des eucaryotes. Dans le détail, cet élément se décline en deux isotopes dont le plus léger domine à l’intérieur des cellules.
Grâce à des instruments de pointe, les chercheurs ont été en mesure de retracer la répartition de ces isotopes à l’échelle nanoscopique à l’intérieur de ces spécimens. Ils ont ainsi confirmé que les niveaux étaient deux fois moins élevés que dans les sédiments environnants. Ils ont également pu déterminer que la taille des fossiles augmentait en fonction de la concentration de zinc.
La découverte du Gabon « Gaboniontas », se distingue par plusieurs centaines de spécimens. Ces fossiles vivaient probablement en grandes colonies sur les hauts fonds marins plats.
Ces créatures vivaient donc en flottaison dans l’eau de mer il y a 2,1 milliards d’années. Cependant, ils agrégeaient aussi de petites et fines particules d’argile qui les alourdissaient parfois au point de les faire couler et se déposer sur les fonds marins. Ce processus pourrait expliquer leur présence dans cette formation gabonaise.
Comme pour les eucaryotes multicellulaires mentionnés en début d’article, les plus anciens protistes unicellulaires planctoniques étaient jusqu’à présent ceux de la faune d’Ediacara, datés à 570 millions d’années.
Cette découverte révolutionne notre compréhension de l’évolution des protistes et des eucaryotes, repoussant de manière significative les limites temporelles de leur existence sur Terre. Les travaux de l’équipe d’Abderrazak El Albani ne se contentent pas seulement de dater ces organismes à 2,1 milliards d’années, mais ils fournissent également des informations précieuses sur leur mode de vie et leur environnement.
La capacité à retracer le métabolisme de ces fossiles grâce au zinc est une avancée technologique majeure qui ouvre de nouvelles perspectives pour l’étude de la vie primitive. Ces résultats renforcent l’importance du site de Franceville comme un véritable trésor pour les paléontologues et soulignent le potentiel des futures découvertes dans cette région. En réévaluant les premières étapes de la vie complexe sur notre planète, ces recherches nous rappellent combien il reste à apprendre sur les mystères de notre passé lointain.
La Lettre Verte avec Brice Louvet, Expert espace et science