Partie prenante aux échanges de Libreville consacrés aux enjeux de la préservation des forêts des trois grands bassins tropicaux, à l’occasion du One Forest Summit co-organisé par le Gabon et la France, Frans Timmermans, le Vice-président exécutif de la Commission de l’Union européenne, commissaire pour la politique d’action sur le climat, en charge du Pacte vert détaille dans cet article, les nouveaux rapports qui doivent prévaloir dans la configuration de la diplomatie environnementale qui plus que par le passé, fait ses pas à travers le monde.
Dans la réorganisation de la géopolitique mondiale, la diplomatie verte se fraye un chemin, non sans manquer de s’imposer comme une exigence des temps modernes à part entière. Si lors de la tenue du One Forest Summit que le Gabon a co-organisé avec la France il y a quelques jours, cette tendance a été plus que perceptible, le tête à tête de La Lettre Verte avec Frans Timmermans, Vice-président exécutif de la Commission de l’Union européenne, commissaire pour la politique d’action sur le climat, en charge du Pacte verte, dans les coulisses de cette grand-messe sur les forêts, à la représentation locale de l’Union européenne, a permis de mieux comprendre les enjeux qui s’y rapportent.
Pour le Vice-président exécutif de la Commission de l’Union européenne, commissaire pour la politique d’action sur le climat, chargé du Pacte vert, il n’est plus question aujourd’hui de concevoir le monde comme une composition hétéroclite. Ce, d’autant plus qu’avec l’urgence de la question des changements climatiques, estime t-il, les pays ont l’obligation de s’unir pour agir ensemble. Ce souhait a pour effet d’amener les pays à se surpasser pour penser la sauvegarde des trois grands bassins forestiers d’une seule volonté. Le One Forest Summit, comme les précédents panels de même envergure organisés à l’échelle mondiale, traduit cet état d’esprit. « Il y a aussi beaucoup de différence mais le plus important est que l’on reconnaisse qu’ils sont les poumons de l’humanité et que l’on a besoin des politiques spécifiques à l’échelle mondiale pour aider ces pays à conserver leur richesse naturelle et à engendrer un développement économique et sociale pour les pays qui maintiennent un équilibre entre les enjeux écologiques et économiques et sociaux », a-t-il fait savoir à l’occasion de l’interview que nous lui avons accordé.
Thématiques d’échange
La résilience écologique dans son sens strict et à l’échelle des pays, le soutien, notamment financier en direction des pays solution à la lutte contre les changements climatiques, l’implication des peuples autochtones dans la consolidation des politiques de conservation et de valorisation de la biodiversité, la création des synergies entre pays développés et pays en développement, la restauration des écosystèmes fragiles, à l’exemple des mangroves, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’activation de la responsabilisation des multinationales face aux externalités induites par leur action économique sont les sujets d’intérêts qui ont alimenté l’échange entre La Lettre Verte et le Vice-président exécutif de la Commission de l’Union européenne, commissaire pour la politique d’action sur le climat, en charge du « Pacte vert ». Toutefois, seuls quelques aspects de cet échange ont été développés dans cet article, en raison notamment de leur caractère primordiale.
Plaidoyer en faveur des peuples autochtones
S’agissant des peuples autoctones, avec 476 millions de personnes réparties dans plus de 90 pays, ces populations représentent 5 % de la population mondiale. Depuis des millénaires, elles sont le socle d’une longue tradition d’aménagement forestier dont elles dépendent en grande majorité. Si durant des années, ces peuples ont été expressément mis à l’écart dans la formulation des initiatives et décisions consacrées à la lutte contre les deux grands extrêmes que sont la perte de la biodiversité et les changements climatiques, le Vice-président exécutif de la Commission de l’Union européenne, commissaire pour la politique d’action sur le climat, en charge du Pacte vert estime qu’il faut décloisonner les positions sur la considération de ces populations et mieux les valoriser. « Si l’on veut trouver une solution soutenable pour nos forêts, il faut écouter les populations autochtones. Il faut s’engager avec elles. Il faut leur donner la place requise dans le développement des politiques », a-t-il fait savoir. Fort de cela, va faire savoir le diplomate, l’humanité commence à prendre conscience de cette réalité. « Tout le monde est maintenant conscient du fait qu’il faut mettre les populations autochtones dans cette position de pouvoir co-formuler les politiques dont on a besoin pour d’une part, engendrer une croissance économique et sociale pour les populations et en même temps, maintenir la richesse écologique des forêts », a-t-il ajouté. Bon à savoir selon lui, à l’échelle mondiale, la prise de conscience tend à se généraliser.
Vers un nouveau Green-deal entre l’UE et l’Afrique ?
Engagée dans une nouvelle politique verte « Pacte Vert » adoptée il y a quelques années, l’Union européenne compte bien être un acteur du changement. Si faut-il, agir pour la protection de la biodiversité et les populations vulnérables en Afrique, par le soutien des politiques d’adaptation. Cette position, formulée lors de la COP27 organisée en novembre 2022 dernier en Egypte, réaffirme l’engagement de l’UE d’être un partenaire incontournable du continent dans la recherche des solutions pour répondre aux préoccupations urgentes liées au climat. Lors de notre entrevue, cette position a été réaffirmée par le diplomate. Pour Frans Timmermans, bien que des chantiers aient été engagés sur le continent pour la conservation et la valorisation de la biodiversité, des efforts restent encore à fournir. En lien avec sa nouvelle politique, l’UE s’engage dans une nouvelle dynamique de partenariat avec les pays d’Afrique subsaharienne. La nouvelle approche stratégique de l’UE dénommée Natur’Africa, axée sur la biodiversité en Afrique sub-saharienne, se focalise sur une série des territoires de hautes valeurs humaines et naturelles. Avec son « Pacte Vert » qui a pour objectif d’emmener l’UE à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, « le continent africain sera probablement le partenaire le plus important de l’Europe en termes de développement du secteur des énergies renouvelables ». Cette vision, partagée à demi-mot par le diplomate conforte le lien substantiel voulu par ce dernier dans la nouvelle approche de partenariat avec les pays partenaires, notamment ceux du bassin du Congo.
Responsabiliser les multinationales
Outre son plaidoyer en faveur de la responsabilisation des peuples autochtones et la nécessité de repenser la relation qui lie l’Europe à ses partenaires extérieurs dont africains, Frans Timmermans s’offusque du trop de liberté dont jouissent les multinationales, notamment en Afrique. « Concernant le principe de pollueur-payeur, là-aussi et surtout par le passé, on a négligé la responsabilité des pollueurs. Surtout que ces pollueurs ne sont pas du pays mais viennent d’ailleurs, et entrent dans un contrat limité. Ils mènent des activités et s’en vont en laissant derrière-eux des dégâts à la nature. Pour moi, c’est simplement inacceptable que ces dégâts ne soient pris en compte par ceux qui en sont responsables », s’est-il indigné. D’après lui, il est urgent que le droit international trouve des mécanismes de répression afin de responsabiliser les auteurs de ces dégâts à la nature.
Entre la pollution à répétition de l’exploitation pétrolière par Perenco entre le Gabon et la RDC, la pollution à la radioactivité d’Areva à Mounana, dans la province du Haut-Ogooué et dont le dossier est toujours pendant, le bilan négatif de la multinationale Glencore en Zambie pour ne citer que ces cas, les externalités des activités de production des entreprises étrangères dans les pays tropicaux, notamment du bassin du Congo laissent transparence une irresponsabilité de la part de leurs auteurs. Si cela paraît pour le diplomate européen, « inacceptable que ces dégâts ne soient pris en compte par ceux qui en sont responsables », ce dernier invite à un changement de paradigme. « Il faudra que les autorités publiques à tous les niveaux, national et international, s’engagent pour éviter ce dilemme. Il faut que l’on dise à ces structures : si vous voulez développer une activité économique ici, vous devez respecter les règles qui protègent l’environnement. Et s’il y a des dégâts, vous serez mis en responsabilité pour les conséquences. Je crois que c’est la seule façon de développer une économie soutenable ici au Gabon et partout », a conclu le Vice-président de la commission de l’UE, confiant de l’emprise des rendez-vous internationaux tels que le One Forest Summit auquel il a pris part au Gabon, pour une perspective de solutions aux problèmes qu’imposent les crises écologiques.
Michaël Moukouangui Moukala