Au Gabon, de plus en plus les mangroves sont l’objet de destruction. Dans plusieurs sites situés sur le littoral des côtes gabonaises, des individus qui outrepassent la loi, détruisent des hectares entiers de palétuviers au profit des constructions et parfois du développement d’activités commerciales. Cette insouciance humaine, en plus d’anéantir les efforts consentis dans le sens de la protection de cette végétation, met en danger la résistance des côtes gabonaises face à d’éventuelles catastrophes liées notamment aux eaux. Mais concrètement quel est l’état des mangroves au Gabon ?
Ce n’est pas fort de le dire. Au Gabon, les mangroves sont en danger. Entre coupes de plusieurs hectares des palétuviers, une composante essentielle de la mangrove, construction non autorisée et développement d’activités parallèles, face à l’irrégularité des contrôles de la tutelle, chacun y fait ce que bon lui semble. « Malgré les premières interpellations faites à l’endroit des auteurs de ces travaux, ces derniers se sont poursuivis, voire amplifiés, donnant ainsi lieu à la destruction d’une surface importante de la mangrove », constatait il y a plusieurs mois, Stanislas Stephen Mouba, le directeur général de l’Environnement et de la Protection de la Nature lors de cette sortie est accablant.
Cette insouciance humaine à l’égard des mangroves s’explique peut-être par l’ignorance qui plane sur une bonne partie de la population Gabonaise quant au rôle de ces espaces et la volonté de les maintenir intacts. Mais qu’est-ce donc qu’une mangrove et pourquoi la maintenir intacte ? La réponse à cette question se trouve dans la définition fournit par le Doctorant et Chercheur à l’Université Omar Bongo (UOB), Igor Akendengue Aken, selon qui, la mangrove est le lieu par excellence de production et de développement de la faune aquatique, de la faune terrestre et de l’avifaune. C’est une végétation composée d’arbres et d’arbustes amphibies, qui occupent la zone intertidale des littoraux tropicaux et subtropicaux. De même, c’est le lieu par excellence de formation édaphique halophile dominée par les palétuviers.
A l’échelle mondiale, on compte environ 15,2millions d’hectares de mangroves, soit 24% des côtes tropicales, et 3,2 millions d’hectares en Afrique. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, 2005), les mangroves constituent l’écosystème le plus productif de la planète. C’est à ce titre qu’Igor Akendengue Aken, estime que « plusieurs sources concordent sur le fait que 75% des espèces halieutiques commercialisées en zone tropicale ont passé une partie de leur vie dans la mangrove. »
Mais au-delà de ce rôle, les mangroves agissent aussi à un autre niveau. Ce qui explique que leur développement soit étroitement relié aux récifs coralliens, car, elle en a besoin pour se développer. Mais « pour que la mangrove subsiste, elle a besoin d’une eau calme sans houle(v) et peu profonde. Les coraux agissent en amont comme une protection, car ils absorbent le choc des vagues. Sans coraux, pas de mangroves, et sans mangroves, il y aurait des problèmes d’érosion de côtes, ce qui mettrait la jungle en péril et ainsi de suite », renchérit le chercheur.
Au Gabon, du Nord au Sud, on retrouve les mangroves dans cinq grands ensembles : les rives de l’estuaire de Rio Mouni, de la baie de la Mondah, de l’estuaire du Komo, dans le delta de l’Ogooué, sur les berges des lagunes Iguéla, Ndougou et Banio, ainsi que dans les graus de Mbadinga et Vévi, dans les lacs Sounga et Matségui et à l’embouchure du fleuve Nyanga. D’après Igor Akendengue Aken, « l’estuaire du Gabon constitue quant- à lui, un des plus beaux ensembles de marais maritimes d’Afrique ». En effet, ce sont environ 80.000 ha de mangrove et de tannes et au moins 20.000 ha de mangroves régressives et de forêt marécageux qui s’organisent autour de l’Estuaire. Malheureusement cet écosystème est gravement menacé de destruction.
De manière globale au niveau du Gabon, toutes les villes littorales sont juxtaposées à une mangrove à des distances variables de 200m pour les localités de Cocobeach, Akanda, Libreville, Ondo, Ntoum, Kango, Port-Gentil ; et environ 7km en moyenne pour Gamba et Omboué, et grosso modo 2 km en moyenne pour Maumba. « Cette proximité favorise la convoitise, et une certaine pression que les villes littorales exercent sur les mangroves, notamment pour les villes d’Akanda, Libreville, Owendo, Ntoum et Port- Gentil», estime le Chercheur. Par exemple explique-t-il, en 1990, à Libreville, la mangrove était encore présente dans quartiers : Haut de Gué-Gué, Belle vue, et le long des rivières Ogombié et Lowé à Owendo, où l’on retrouvait même des Rhizophora(vi) mangle pourtant très rare au Gabon.
Aujourd’hui, force est de constater que dans des quartiers tels que Belle vue et Oloumi, les mangroves ne sont plus que fragmentaires. Pour tenter de lutter contre ces abus, un cadre règlementaire a été établi mais celui-ci ne sert pas à grande chose. Il semble être peu appliqué donc, peu connu du public. Pour toute infraction commise contre cette végétation, ce cadre prévoit par exemple que des amendes allant de 500 000 à 150.000.000 francs CFA, accompagnées d’une peine d’emprisonnement allant de 3 à 6 mois, selon qu’on soit une personne physique ou morale soient infligées. Pour ce qui est des personnes morales, l’article 64 qui définit les sanctions liées à un non-respect de ces dispositions va plus loin en interdisant par exemple à l’entité en cause de « concourir pour obtenir des marchés publics ».
« La suspension temporaire ou définitive de l’activité à l’origine de l’infraction » est également prévue. Malgré ce cadre pourtant contraignant, les infractions sont légions dans ce domaine. Dans le cadre de la mission du ministère des Eaux et Forêts de juillet dernier, « les propriétaires du terrain ont été convoqués et auditionnés par le ministère en charge de l’Environnement ».
Des sanctions qui n’ont pas été divulguées leur ont ou devraient être imposées. Celles-ci prennent en compte, « les coûts liés aux dommages et réparations». Ces infractions qui ne sont pas uniques au Gabon posent le problème de la sensilisation des populations sur la nécessité des mangroves.
Ce 26 juillet dernier, la célébration de la journée internationale pour la conservation de l’écosystème de la mangrove, proclamée par l’UNESCO en 2015 a été une journée décisive pour actionner le levier sensibilisation sur les mangroves. Car la mangrove est un « écosystème unique, spécial et vulnérable » qui mérite d’être mieux connu du grand public.
Michaël Moukouangui Moukala