La dernière opération de lutte contre le trafic des produits fauniques, effectuée à Lambaréné dans la province du Moyen-Ogooué par les services des Eaux et Forets, de la police judiciaitre et de l’ONG Conservation Justice a permis de mettre la main sur trois présumés trafiquants d’ivoires marqués et scellés par le Tribunal. Les enquêteurs soupçonnent des complices au sein de l’appareil judiciaire de Lambaréné.
Menée sous la supervision de la Justice, l’intervention conjointe des agents de la Police Judiciaire (PJ), de la direction générale de la Faune et des Aires Protégées (DGFAP) et de la direction Provinciale des Eaux et Forêts, appuyée par l’ONG Conservation Justice, a conduit à l’interpellation d’un trio de présumés trafiquants de faune à Lambaréné dans la journée du 23 Juin 2022.
M.P. alias AD, M. C., et K. B. Y., tous de nationalité gabonaise, ont été pris en pleine tentative de transaction : Le trio s’apprêtait à vendre 6 défenses entières ainsi que 17 morceaux de pointes d’ivoire et une peau de panthère minutieusement stockés dans des valises et sacs de voyage. Le poids total de la prise avoisine 81 kg d’ivoire.
Au moment de la fouille, les officiers de police judiciaire vont faire une troublante découverte. Les pièces d’ivoire étaient marquées et proviendraient, selon les affirmations des mis en cause, des scellés du Tribunal de Première Instance de Lambaréné. Ceci aurait été réalisé grâce à deux complices au sein du Tribunal qui auraient bénéficié du concours de Y. K., main d’œuvre non permanente au Tribunal. Ils auraient déposé nuitamment les ivoires chez M.C. après les avoir dissimulées dans deux valises et un sac de voyage en vue de les revendre.
Ces cas amenant à des complicités sont typiques des trafics internationaux organisés et sont à combattre fortement par la Justice afin de confirmer l’implication du Gabon dans la protection de son patrimoine naturel national, reconnu au niveau mondial, et dans la lutte contre la corruption. Ces réseaux organisés dans les différents types de trafic lucratif doivent être combattus fermement car ils peuvent éroder dramatiquement l’état de droit en détournant certains serviteurs de la loi de leurs prérogatives et de leurs devoirs.
Les présumés trafiquants devront répondre des faits de détention et de tentative de vente des trophées d’espèces intégralement protégées. Ils ont été placés en garde à vue dans les locaux de la Police Judiciaire de Lambaréné en attendant leur transfert sur Libreville et leur présentation devant le Parquet spécial. Ce dernier traite en effet ce type de cas depuis déjà 3 ans avec comme résultat la condamnation de 80-90% des trafiquants d’ivoire arrêtés à des peines de prison ferme. En comparaison, les autres pays d’Afrique francophone présentent des résultats moins probants en termes de taux de condamnation ferme, de l’ordre de 25 à 70% en fonction des pays lorsque les données sont disponibles.
Le Gabon s’est engagé de manière constante à mettre en place une application efficace de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction (CITES). Ceci s’est récemment traduit, en plus de la création du Tribunal spécial, par l’adoption d’une législation plus dissuasive avec des peines de prison allant jusqu’à 10 ans en ce qui concerne le trafic d’ivoire.
Toutefois, la vulnérabilité des sites de stockage des pièces d’ivoire saisies et des armes de chasse favorise le trafic d’ivoire et peuvent significativement compromettre les efforts du Gabon. Il faut souligner que le rapport d’audit des stocks gouvernementaux d’ivoire au Gabon en 2012, précisait déjà que des défenses d’ivoires enregistrées au niveau du Tribunal de Lambaréné avaient disparu. Un an plutôt en 2011, un autre rapport réalisé par l’Agence Nationale des Parcs Nationaux va révéler la disparition de 17 pointes d’ivoires du stock du tribunal de Makokou. En 2015 près de 300 kg d’ivoire auraient disparus du tribunal d’Oyem. Et en 2020, des pointes étaient également manquantes au Tribunal de Lambaréné et des pointes issues du Tribunal de Libreville avaient même été saisies au Cameroun. La sécurisation des ivoires saisis est donc capitale. Mieux, leur destruction donnerait un message fort aux trafiquants organisés comme cela a été le cas en 2012, tout en réglant le problème de leur stockage.
La Lettre Verte avec l’ONG Conservation Justice