Dénoncé dans un cas d’exploitation forestière illégale aux abords du lac Oguemoué, N.A, membre de la Délégation Spéciale en charge du Conseil Départemental de l’Ogooué et Lacs, vient d’être épinglé à l’issue d’une mission conjointe menée par l’administration des Eaux et Forêts, la Police judiciaire de Lambaréné, appuyée par l’ONG Conservation justice. La mission, qui s’est déroulée entre le mois de juin et de juillet dans les zones de Mpoundou et Bingovion, a permis de mettre en lumière des infractions sérieuses en matière d’exploitation forestière dans cette partie de la province du Moyen-Ogooué.
Le nommé N.A est notamment accusé d’exploitation de bois sans titre, de coupe et enlèvement d’essence sans autorisation de l’administration et de manœuvre frauduleuse. Des faits proscrits par la loi et dont il a reconnu la véracité. En effet, pour contourner la loi en vigueur et brouiller les pistes de son implication dans les demandes d’autorisation pour la coupe et le sciage de long, N.A utilisait subtilement des membres de sa famille, dont sa fille et son fils, comme bouclier administratif. Cette manœuvre est considérée comme frauduleuse et en déphasage avec les prescriptions légales du Code forestier Gabonais. Aussi, les quantités exploitées de manière plus industrielle qu’artisanale dépassaient largement celles prévues par la loi.
Sur les deux sites, des fûts contenant du réservoir, une barge, deux machines de type Caterpillar 528, une scie mobile de type Lucas Mill, des preuves de nombreux bois abattus (souches) et des planches, lattes et chevrons ont été trouvés. Preuve de l’enracinement d’une exploitation industrielle à grande échelle. Un total cumulé de 268,444 m3 de bois sciés ont par ailleurs été constatés par l’équipe de la mission sur les différents sites contrôlés.
Si W.N.M.T.D, le fils de N.A, a obtenu une autorisation de coupe de bois pour le sciage de long dans la zone d’usagère du village Aschouka, celle-ci a par la suite été cédée à son père. Quant à M.M.N.L, malgré qu’aucune autorisation de coupe de bois ne lui aurait été délivrée par l’administration des Eaux et Forêts, l’exploitation sur le site sollicité se serait poursuivie sous la houlette de son père et en violation du Code forestier. Cette exploitation illégale explique probablement aussi pourquoi les demandes de forêt communautaire par les communautés organisées n’ont pas abouti.
Dans cette zone du lac Oguemoué, n’eut été la diligence des communautés locales réunies au sein de l’association éponyme, cette exploitation illégale aurait perduré. En quête de justice, l’Association des Communautés du Lac Oguemoué (ACLO) et l’ONG Conservation Justice ont dénoncé les auteurs de ce trafic pour les motifs énoncés plus haut. Alors que de précédentes enquêtes n’avaient pas été menées à terme, cette fois-ci la mobilisation des communautés a conduit au tribunal et les parties attendent de la justice de Lambaréné une décision forte pour servir d’exemple, renforcer l’état de droit et la bonne gouvernance des ressources naturelles.
« Ce que nous recherchons se situe dans une exploitation responsable des ressources naturelles de notre lac pour le bénéfice des communautés locales résidentes et aussi pour les générations futures » a expliqué Patrick Bengone, président de l’association ACLO. Pour Luc Mathot, directeur Exécutif de l’ONG Conservation Justice, « il est remarquable que l’association ACLO et les coopératives locales autour du Lac Oguemoué soient aussi bien organisées pour mener une gestion durable de leurs ressources naturelles et chercher à protéger ainsi leur environnement. Nous ne pouvons que les encourager et les aider dans leur lutte ».
Plaçant l’homme au centre de son action, les autorités de la Transition accordent depuis la prise de pouvoir une place de choix aux initiatives des gabonais(es) dans l’entreprenariat. Toutefois, cette implication ne pourrait se faire en violation des droits des communautés et des prescriptions réglementaires comme c’est ici le cas dans le domaine de l’exploitation forestière.
Ce dépassement de N.A montre combien de fois il est important d’intensifier les contrôles par la mutualisation des efforts entre l’administration publique et les associations dans les zones d’exploitation forestière au Gabon. Car, s’il est idoine que les gabonais prennent le relais du développement économique du secteur forestier, cela doit se faire selon la législation et sans impacter négativement les communautés locales. Ici, il reviendra à la justice de trancher.
Séraphin Lame