Au Gabon, la recrudescence des dévastations des plantations par les éléphants à amener le Gouvernement a adopté il y a quelques années, les clôtures électriques comme solution répulsive. Si plusieurs années après, l’efficacité de celles-ci n’est plus a démontré, ces clôtures ont cependant permis de faciliter la pratique de l’agriculture dans les villages.
Malgré une production rurale significativement faible de l’ordre de 14%, l’agriculture rurale est très ancrée dans les pratiques culturelles des populations au Gabon. Manioc, banane plantain, taro, igname, patate douce, maïs, arachide et légumes pour ne citer que ces quelques cultures, sont cultivées dans l’arrière-pays et desservent les marchés des grandes villes, à l’exemple de ceux de Libreville. Si durant plusieurs années, la pratique de l’agriculture n’a jamais posé problème, la dernière décennie, eu égard à la forte augmentation de la population d’éléphants qui est passée en quelques années de 50.000 à 95.000 individus, a été marquée par la recrudescence du Conflit homme-faune (CHF) avec en prime, l’invasion des éléphants dans les plantations des villageois.
Dû à l’augmentation de la population d’éléphants, l’impact des changements climatiques sur la fructification des arbres, la perte de l’habitat forestier en raison de l’exploitation forestière, le braconnage et l’exode rural, l’invasion des éléphants s’est caractérisée par la dévastation des plantations des populations, privant ces dernières des revenus induits par la pratique de l’agriculture. « Quand je suis venue en mariage ici, je faisais d’abord les petites plantations avec mes belles-mères. Je mangeais bien. J’avais des travailleurs que je payais grâce aux bénéfices des plantations. J’ai ici, une maison en dur que j’ai construite avec la vente de la banane. Ma maison est inachevée parce que les éléphants nous empêchent de bien mener l’agriculture. Aujourd’hui, on se contente des petites plantations qui ne nous permettent pas de pratiquer le commerce », relate mélancolique, Marie Tsame qui à No Ayong, village situé à quelques kilomètres de la ville de Ntoum tient une petite concession agricole d’une superficie de 0,83 ha. Cette dernière se souvient encore des beaux jours, durant lesquels la pratique de l’agriculture faisait vivre son homme.
L’avènement des clôtures électriques au Gabon
Au Gabon, il aura fallu attendre l’année 2016 avec l’adhésion du Gabon au Giants Club organisé par Space for Giants et la construction la même année des premières barrières électriques à hautes spécifications pour voir émerger une solution : celle des barrières électriques qui ont permis de conjuguer au passé, la détresse des populations en raison du conflit qui les opposent aux éléphants. En 2021, un protocole d’accord est conclu entre Space for Giants, le ministère des Eaux et Forêts et l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN). Au Gabon, ces trois acteurs sont les pièces maîtresses dans l’implémentation de cette solution visant l’atténuation du Conflit homme faune. En 2022, Space for Giants prend ses quartiers au Gabon, à Libreville. Cette étape marque un tournant décisif dans la lutte contre le conflit homme-faune et la pérennisation de la pratique de l’agriculture de subsistance au Gabon.
Avec plus de 18 barrières électriques à haute spécification et plus de 300 barrières électriques mobiles selon les dernières statistiques de Space for Giants, les trois acteurs se réjouissent des efforts consentis pour sécuriser les populations et leur culture face à la menace des éléphants. Ce mécanisme de répulsion des animaux couvre en effet des superficies allant de 0,25 à 310 hectares au Gabon et concerne toutes les provinces du pays. Dans le pays, sur 40 interactions entre les animaux et les barrières électriques, à peine 1% d’échec a été enregistré. « Ces échecs sont dus aux personnes qui n’entretiennent pas leur clôture normalement », Evariste Oganda Tonda, Chef des équipes techniques de Space for Giants Gabon, interrogé lors du voyage de presse organisé il y a quelques jours par Space for Giants dans le département de la Noya dans la province de l’Estuaire. L’entretien est pour ainsi constater, un critère essentiel dans l’efficacité des clôtures électriques.
Comment bénéficier des clôtures électriques ?
Avec près de 13000 personnes victimes du Conflit homme-faune, dont 25 cas de pertes en vie humaine recensé à travers le pays, la problématique du CHF est bien réelle et cristallise les attentions depuis quelques années. Et pourtant, malgré la gravité de ce problème, ne peut être considérée comme étant une victime du CHF qui veut. « Les parents que nous appelons les bénéficiaires sont identifiés au travers de l’application CHF Gabon. Cette application est utilisée dans la collecte des données des dévastations. Cela ne peut se passer que lorsque ceux qui ont été dévastés portent plainte au niveau de l’administration des Eaux et Forêts », prévient Claudel Tshibangu Lukusa, Responsable du suivi et de l’évaluation des sciences de la conservation au sein de Space for Giants. A l’issue de cette alerte, les autorités compétentes engagent des procédures visant à constater et à construire la barrière.
Ensuite, les clôtures sont érigées sur des surfaces allant de 1 à 10 ha. « La plus grande clôture mobile que nous avons installée est d’environ 8 hectares. Il s’agissait d’une sommation des personnes réunis en association pour développer l’agriculture ». Si plusieurs personnes bénéficient de ces clôtures à travers le pays, celles-ci ne sont pas déçues de leur efficacité, même si dans certains cas, les distances et les surfaces sur lesquelles elles sont érigées ne font pas encore l’unanimité.
Soulagement pour les populations
L’efficacité des clôtures électriques n’est plus a démontré au Gabon où le taux de réussite de ce mécanisme d’atténuation du CHF est évalué à 90%. A Bissobinam et No Ayong où Space for Giants a partagé avec les médias, l’expérience de ce dispositif, force a été de constater la satisfaction des populations depuis l’avènement de ces barrières dans leur village. Comme Hélène Misseng, Marie Tsame, Eugénie Minkwe et Engone Ona Guillaume qui, chacun, tient une concession agricole dont la superficie varie de 0,83 ha, 0,46 ha et 5,7 ha, ils ne sont pas au- dessus de l’apport de ces clôtures. Un virement de situation qui permet à ces bénéficiaires de pratiquer en toute sérénité l’agriculture, alors que leurs espoirs étaient perdus.
« On peut dire que les barrières électriques permettent de lutter contre l’invasion des éléphants. La petite plantation de bananes que Madame a faite l’année dernière a été encadrée par votre barrière. Les éléphants sont venus à proximité mais ils ne l’ont pas détruit. Je pense que la barrière a eu une efficacité. Ce qui nous a permis de récolter de la banane. Si on accentue ce dispositif, cela devrait permettre de mieux lutter contre le problème du Conflit homme-faune », fait constater Guillaume Engone Ona, un cheminot à la retraite qui, au niveau du village No Ayong, dispose d’un verger d’une superficie de 5,7 ha. Même expérience partagée par Hélène Misseng du village Bissobinam, dont l’arrivée des barrières électriques a permis de faire face à l’invasion des éléphants.
Michael Moukouangui Moukala