Si l’action pour la préservation des forêts requiert l’implication de toutes les énergies possibles, les populations autochtones en tant que « premières sentinelles de la forêt » ne peuvent pas être en marge de ce combat mondial. A l’occasion du One Forest Summit co-organisé du 1er au 2 mars à Libreville par le Gabon et la France, un sursaut de considération à leur égard, dans la recherche de solutions et la prise de décision, a été préconisé.
A travers la planète, elles sont 476 millions de personnes réparties dans plus de 90 pays et ne compte que pour 5% de la population mondiale, contre 15% de la population la plus pauvre. Depuis des millénaires, de la même manière leur existence est liée aux forêts, elles dépendent en grande partie de ces forêts pour se nourrir, se soigner, s’habiller et disposer d’un toit. Qualifiée de « première sentinelle de la forêt », leur connaissance de la biodiversité est sans pareil. Et pourtant, depuis la crise écologique qui frappe l’humanité depuis des années, elles ont été toujours mises à l’écart des débats visant la recherche de solutions.
Une tendance qui a traversé le temps mais qui, ces dernières années, tend à s’inverser, en raison d’un décloisonnement des positions à travers la planète sur le sort et la force que peut représenter ces peuples dans la recherche des solutions aux crises écologiques qui menacent l’humanité. En effet, depuis le sommet de Rio de 92, il aura fallu attendre des décennies avant que les dirigeants se délectent d’un certains sectarisme à l’endroit des communautés locales et peuples autochtones, c’est selon, pour que l’on assiste à une élévation de ces communautés dans la quête de solutions face aux crises écologiques actuelles.
Que l’on soit en Occident ou en Afrique, cet avis ne souffre plus d’aucune discontinuité alors qu’il y a quelques années, ces acteurs pourtant indispensables dans le processus de protection de la nature, étaient mis à l’écart. Les COP26 et 27 qui se sont respectivement tenues à Glasgow en Écosse et à Charm el-Cheikh en Egypte ont été les symboles de cette résilience de réflexion et de considération. Aujourd’hui, contrairement au passé, ces peuples sont invités à la table des discussions sur la recherche des solutions afin de lutter contre les trois grandes crises actuelles. Pour Frans Timmermans, Vice-président exécutif de la Commission de l’Union européenne, commissaire pour la politique d’action sur le climat, chargé du Pacte vert, il ne fait plus aucun doute que « si l’on veut trouver une solution soutenable pour nos forêts, il faut écouter les populations autochtones. Il faut s’engager avec elles. Il faut leur donner la place requise dans le développement des politiques ».
Le diplomate préconise même de les mettre dans « cette position de pouvoir co-formuler les politiques dont on a besoin pour d’une part, engendrer une croissance économique et sociale pour les populations et en même temps, maintenir la richesse écologique des forêts ». Cette posture a été soutenue lors du One Forest Summit que le Gabon a co-organisé avec la France il y a quelques jours à Libreville. Preuve de cette considération, l’Ouganda, la France et le Gabon ont lancé une coalition «One Forest Guardian» visant à proposer aux pays volontaires d’inscrire d’ici 2024 à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO ces pratiques à la valeur inestimable pour le futur de l’humanité. Un sursaut qui démontre le lien infaillible qui subsiste entre ces populations et la nature.
Pour les principaux acteurs concernés, cet écho démontre de la valeur intrinsèque dont ces peuples sont les principaux dépositaires. Mais, soutiennent-t-ils, cela montre une avancée en ce qui concerne l’intégration de toutes les parties prenantes dans les processus décisionnels. « Il a été maintes fois démontré que les peuples autochtones sont les mieux placés en matière de préservation de l’environnement, car au fil du temps, ils ont toujours su préserver leurs habitats en adoptant des modes d’utilisation responsable de leurs écosystèmes. Quant aux communautés locales avec qui ils ont toujours été en contact, elles ont su adopter leurs modes d’utilisation durable de leurs habitats », fait remarquer Preuve Romance Owono, Commissaire à la Communication et aux Relations Extérieures au sein de l’ONG Ebota A Maghanga.
Pour la Commissaire, cela relève de la reconnaissance du rôle incontournable de ces peuples dont la connaissance et le lien avec la nature n’est pas discutable. Pour elle, il est donc tout à fait logique que la voix et le droit leurs soient données pour avoir une part active dans le processus décisionnel en ce qui concerne l’avenir de la planète, surtout dans un contexte où le concept de colonialisme vert semble vouloir les priver de leur patrimoine.
Michael Moukouangui Moukala